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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/573

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THESEE.

Apprenez-moi donc à ne vous plus aimer,
À briser ces liens où mon âme asservie
A mis tout ce qui fait le bonheur de ma vie.
Ces feux dont ma raison ne sauroit triompher,
Apprenez-moi comment on les peut étouffer,
Comment on peut du cœur bannir le chère image…
Mais à quel sentiment ma passion m’engage !
Si la douceur d’aimer a pour vous quelque appas,
Me pourriez-vous apprendre à ne vous aimer pas ?

PHÈDRE.

Il en est un moyen que ma gloire envisage
Il faut de votre cœur arracher cette image.
Ma vue étant pour vous un mal contagieux,
Pour dégager ce cœur, commencez par les yeux.
Fuyez de mes regards la trop flatteuse amorce ;
Plus vous les souffrirez, plus ils auront de force.
Ce n’est qu’en s’éloignant qu’on pare de tels coups
Si le triomphe est rude, il est digne de vous.
Il est beau d’étouffer ce qui peut trop nous plaire
D’immoler à sa gloire…

THESEE.

Et le pouvez-vous faire
Ces traits qu’en votre cœur mon amour a tracés,
Quand vous me verrez moins, seront-ils effacés ?
Oublierez-vous sitôt cet ardent sacrifice…

PHÈDRE.

Cruel, pourquoi vouloir accroître mon supplice ?
M’accable-t-il si peu, qu’il y faille ajouter ?
Les plaintes d’un amour que je n’ose écouter ?
Puisque mon fier devoir le condamne à se taire,
Laissez-moi me cacher que vous m’avez su plaire.
Laissez-moi déguiser à mes chagrins jaloux,
Qu’il n’est point d’heur pour moi, point de repos sans vous.
C’est trop ; déjà mon cœur à ma gloire infidèle,
De mes sens mutinés suit le parti rebelle ;