Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/608

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Tant de périls bravés, tant d’amour, tant de zèle,
M’auront fait mériter les soins d’un Infidèle,
À ma honte partout ma flamme aura fait bruit,
Et ma lâche Rivale en cueillera le fruit ?
J’y donnerai bon ordre. Il faut pour la connoître
Empêcher, s’il se peut, ma fureur de paroître.
Moins l’amour outragé fait voir d’emportement,
Plus quand le coup approche, il frappe sûrement.
C’est par là qu’affectant une douleur aisée,
Je feins de consentir à l’hymen de Thésée ;
À savoir son secret j’intéresse le Roi.
Pour l’apprendre, ma Soeur, travaillez avec moi,
Car je ne doute point qu’une amitié sincère
Contre sa trahison n’arme votre colère,
Que vous ne ressentiez tout ce que sent mon cœur.

PHÈDRE.

Madame, vous savez…

ARIANE.

Je vous connois, ma Soeur.
Aussi c’est seulement en vous ouvrant mon âme,
Que dans son désespoir je soulage ma flamme.
Que de projets trahis ! Sans cet indigne abus
J’arrêtois votre hymen avec Pirithoüs,
Et de mon amitié cette marque nouvelle
Vous doit faire encor plus haïr mon Infidèle.
Sur le bruit qu’aura fait son changement d’amour,
Sachez adroitement ce qu’on dit à la Cour.
Voyez AEglé, Mégiste, et parlez d’Ariane ;
Mais surtout prenez soin d’entretenir Cyane,
C’est elle qui d’abord a frappé mon esprit.
Vous savez que l’Amour aisément se trahit.
Observez ses regards, son trouble, son silence.

PHÈDRE.

J’y prends trop d’intérêt pour manquer de prudence.
Dans l’ardeur de venger tant de droits violés,
C’est donc cette Rivale à qui vous en voulez ?