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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/100

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Vous deviez m’avertir que vous aviez un hôte…

D. César.

Blâme mon imprudence, elle amoindrit ta faute.
La nuit s’avançait fort, lorsqu’on me vint prier
De souffrir qu’en ma chambre on couche un cavalier.
Je sai qu’elle est unique en cette hôtellerie ;
Ma joie est d’obliger, & j’attens qu’on me prie.
Pouvais-je au survenant refuser l’autre lit ?

Carlin.

Ce voyageur nocturne a joué là d’esprit.
Fait à trouver son compte aux tours de passe-passe,
Sans doute il a changé nos valises de place.

D. César.

Mais puisqu’il n’est parti que longtemps après nous…

Carlin.

Hé, Monsieur, il est tant de ces adroits filoux,
Qui toujours pour le monde observant des mesures,
Tournent sur le hazard toutes leurs aventures.
Celui-ci, m’a-t-on dit, est un des plus rusés,
Malaisé, si jamais il fut des malaisés.
Il a mangé son fait, & comme il ne subsiste
Que par le don qu’il a de n’être pas fort triste,
S’introduisant par tout, par tout faisant fracas,
Quand il trouve à duper, il ne s’épargne pas.

D. César.

De tout ce que je perds par ce bizarre échange,
Je ne regrette rien que mes lettres-de-change.
À Séville d’abord j’ai mandé l’accident.

Carlin.

On vous traitera de jeune, d’imprudent.

D. César.

Il est vrai qu’il est peu de méprises semblables.

Carlin.

Mais au seul Dom Fernand ces lettres sont payables,
À moins qu’il ne les signe, on n’en peut profiter ;
L’avez-vous vû ?

D. César.

L’avez-vous vu ?Non.