Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/128

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J’en avois déjà fait autant avec mon pere ;
Vous êtes survenue, il a fallu me taire.
Plus de feinte à poursuivre étant connue de vous.

Béatrix.

Pouvoir à Béatrix soutenir… Entre nous,
Monsieur, vous savez bien ce qu’il faut que j’en pense.

Carlin à D. César.

Là, deux pas en avant, renouez connoissance.

Isabelle.

Cependant la surprise est assez à blâmer,
On sait de quelle sorte un frere doit aimer ;
Et je ne conçois point à quel dessein votre ame,
Tournant tout sur l’amour, m’a fait voir tant de flamme.
Pourquoi par mille vœux avoir tenté ma foi ?

D. César.

Pour savoir ce qu’il faut que j’attende de moi,
Un Indien privé par une longue absence
De ce que du beau monde acquiert l’expérience,
Avant qu’il se hazarde à paroître au grand jour,
Doit par ce doux essais prendre l’air de la cour :
Ainsi j’ai crû, ma sœur, que, sans vous faire injure,
Je pouvois d’un beau feu vous tracer la peinture ;
Et ce que par le sang je sens pour vous d’ardeur,
N’avoit que trop de quoi faire parler mon cœur.

Isabelle.

Ne me blâmez donc point, si m’y laissant surprendre,
Il peut m’être échappé quelque soupir trop tendre.
Vous vous étiez pour moi déclaré hautement,
Vous avez du mérite, & parliez en amant.
C’est par-là que dans l’ame un beau feu se consomme,
Un frere qui se cache est fait comme un autre homme ;
Et pour se faire aimer, a d’autant plus d’appui,
Que le sang en secret s’intéresse pour lui.

D. César.

Quoi, vous repentez-vous d’avoir été capable
De suivre en me voyant un panchant favorable ?