Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/198

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Il me faut ménager un temps si favorable.
Ainsi je veux, pour fléchir sa rigueur,
Lui jurer tout l’amour dont le plus tendre cœur
Se soit jamais trouvé capable ;
Et si les vifs transports d’une si belle ardeur
La laissent à mes vœux toujours inexorable,
Je ferai briller à ses yeux
L’honneur que j’ai reçu d’être au nombre des Dieux.
Peut-être que déjà la Nymphe Galatée,
Qui sait tout le secret de mon déguisement,
Aura nommé Glaucus à Silla pour Amant.
La chose entre elle et moi s’est ainsi concertée,
Pour découvrir son sentiment ;
Et pour peu que d’un Dieu l’hommage l’ait flattée,
Si comme Prince enfin je me vois sans espoir,
Parlant comme Glaucus, j’aurai quelque pouvoir.
Ce n’est pas qu’il soit sûr qu’elle veuille se rendre.
Il est d’orgueilleuses Beautés
Qui font gloire de se défendre
De l’amour des Divinités.
Apollon autrefois fut l’Amant le plus tendre,
Et l’offre de son cœur soumis, passionné,
Ne put toucher la trop fière Daphné.

palémon

Mais à quand découvrir que le Prince de Thrace
Cache en vous ce Glaucus que l’on ne connoît pas ?

glaucus

Laisse à ma flamme encor rendre quelques combats.
Malgré ce que je souffre à voir Silla de glace,
Je perds ce que l’amour a de plus doux appas,
Si Glaucus dans son cœur peut seul me donner place.

palémon

L’Être Divin sans doute est un grand bien,
Le privilège en est commode ;
Mais pour moi, je voudrois qu’au moins ce fût la mode,
Que les Dieux pussent tout, et ne souffrissent rien