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Scène III


Polixène, Pyrrhus, Ilione, Antilochus.

POLIXÈNE

Hélas ! Que lui demandez-vous ?
Tremblez, Prince, tremblez au nom de Polixène,
Laissez la céder seule au destin qui l’entraîne,
Et ne vous livrez point, sans l’avoir mérité,
Aux malheurs d’un parti que les dieux ont quitté.
Pour attirer sur moi leur plus rude colère,
Le crime est assez grand d’avoir Priam pour père,
Ne le partagez point. Me vouloir épouser
C’est empêcher la paix que l’on va proposer.
Quand d’abord mon hymen en dut être le gage
La guerre n’avoit fait que son moindre ravage,
Sa fureur étoit lente, et nous laissoit encor
Et le jeune Troile, et le vaillant Hector.
Dans l’instant qu’un Traité semble un projet facile,
Patrocle qui périt arme contre eux Achille,
Et les faisant tomber sous l’effort de son bras,
Nous ramène l’horreur des plus sanglants combats.
Vous y replongerez la déplorable Troie
Si votre amour encor à les finir s’emploie ;
Ma main est un présent funeste à vous offrir,
Et l’oser demander c’est chercher à périr.

PYRRHUS

Pourquoi, lorsque le Ciel nous voit d’un œil propice,
D’un si cruel augure écouter l’injustice ?
Ces feux qui sur votre âme ont eu quelque pouvoir
N’eurent jamais l’appui d’un si riant espoir.
Briseis dont pour vous l’amitié s’intéresse,
Pourra tout sur Achille, il l’aime avec tendresse.