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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/24

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La trêve de ses soins est le premier effet,
La paix suivra sans doute, Hector est satisfait,
Priam à notre Hymen consentira sans peine.
Aurai-je contre moi la seule Polixène,
Et mon amour est-il d’un prix si ravalé
Qu’à de vaines terreurs il doive être immolé ?

POLIXÈNE

Prince, veuillent les dieux que foible, et trop timide,
Mon cœur de nos malheurs injustement décide.
Si j’en crois l’apparence ils sont prêts à cesser,
Tout nous promet l’hymen que vous voulez presser,
Briseis s’intéresse au feu qui vous anime,
Achille est sans colère, et Priam vous estime.
Cependant malgré moi je vois de toutes parts
De noirs fleuves de sang effrayer mes regards.
Vous savez de mon sort ce qu’a prédit Cassandre,
L’œil farouche, égaré, je crois toujours l’entendre.
À peine elle eut appris qu’on nous vouloit unir
Que sur ce triste hymen pénétrant l’avenir,
Fuis Polixène, fuis l’impitoyable Achille,
Me dit-elle, tu prends un espoir inutile,
Vouloir donner ta main, c’est courir au tombeau,
Achille est destiné pour être ton bourreau.
Jugez, Prince, jugez après cette menace
Si mon cœur sans sujet se trouble, s’embarrasse,
Si de vaines frayeurs le rendent interdit.

PYRRHUS

Peut-on craindre un malheur que Cassandre a prédit ?
En vain d’un si grand Art elle usurpe la gloire,
Jamais on ne l’a crue, et vous la voulez croire.
Non, ne m’opposez point que les Destins jaloux
Combattent les bontés que j’attendois de vous.
Dites, dites, plutôt, que quoi qu’il ait pu faire,
L’infortuné Pyrrhus n’a jamais su vous plaire,
Que ce parfoit amour qu’il a fait éclater
Du cœur qu’il attaquoit n’a pu rien mériter,
Et que si de Priam la favorable estime
Peut rendre auprès de vous son espoir légitime,