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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/25

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Il prétendroit en vain à rien plus, qu’à jouir
De la foible douceur de vous voir obéir.

POLIXÈNE

Ah, Pyrrhus, est-ce ainsi que vous rendez justice
Aux frayeurs dont pour vous j’éprouve le supplice ?
Si la crainte m’expose aux plus rudes combats
Craint-on de voir périr ce que l’on n’aime pas ?
Vous tenez de Priam l’empire de mon âme ;
Mais quand il m’ordonna d’écouter votre flamme,
Je ne sais si mon cœur pour flatter votre espoir
N’avoit point en secret prévenu mon devoir,
Et s’il m’eut pû souffrir sur un ordre contraire
La même déférence aux volontés d’un père.
C’est vous faire assez voir ce qui me fait agir,
Je dirai plus ; peut être en devrois je rougir.
Hector, l’appui de Troie, et l’effroi de la Grèce
N’avoit que trop, hélas, mérité ma tendresse,
Je l’aimois, on le sait. Il n’est plus cet Hector,
J’en ai pleuré la perte, et je la pleure encor,
Dans les vives douleurs qu’elle ajoute à ma peine,
Je sais qu’à son Vainqueur je dois toute ma haine,
Et cependant, malgré ce qu’il me fait souffrir,
Quand à mes tristes yeux Achille vient s’offrir,
Je me souviens plutôt qu’Achille est votre père,
Que je ne puis songer qu’il a tué mon frère.
L’image de son sang par ses mains répandu
S’efface au souvenir de ce qui vous est dû.
Point pour lui de fierté ? quelques maux qu’il me coûte,
Je le laisse approcher, je le vois, je l’écoute,
Et Pyrrhus tient pour lui, quoi qu’encor ennemis,
Et ma haine enchaînée, et mon courroux soumis.
Pour vous garder ma foi triompher de moi-même,
Si ce n’est point aimer, dites-moi comme on aime.

PYRRHUS

Ah, pardonnez, Madame, à l’erreur d’un amant
Qui se perd dans sa crainte, et s’alarme aisément.
Cet Hymen que poursuit ma juste impatience,
N’a rien sans votre aveu qui flatte ma constance,