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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/273

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circé

Tu le vois
Avec quel prompt transport du noir séjour des Ombres
Elles accourent à ma voix.
Je triomphe, et leur vue en me tirant de peine,
De cent plaisirs secrets me fait goûter l’appas.
Contre un Ingrat il faut servir ma haine ;
N’y consentez-vous pas ?
C’est assez ; pour punir un lâche qui m’outrage,
Je veux que dans son sein vous versiez à l’envi…
Quoi, cet Amant si cher me sera donc ravi ?
Cruelle, sais-tu bien ce qu’ordonne ta rage ?
Tendresse indigne de Circé !
On me brave, et je crains d’en trop croire ma haine ?
Allez, c’est… Qu’à nommer un Amant fait de peine,
Quand après son nom prononcé
On en voit la perte certaine !
Quelle indigne pitié tâche de m’arrêter ?
Les Éléments à ma voix obéissent,
La Lune en fuit d’effroi, les Enfers en frémissent,
Et le cœur d’un mortel m’osera résister ?
Partez, courez, volez.
C’est le Prince de Thrace
Qui s’est noirci vers moi de mille trahisons.
Pour le punir de sa coupable audace,
Répandez dans son cœur vos plus mortels poisons.
Quoi, vous demeurer immobiles ?
Je parle, et n’obtiens rien de vous ?
Non, vous avez pour moi des craintes inutiles,
L’Amour est étouffé, croyez-en mon courroux.
Le Ciel pour me venger, vous défend de rien faire,
Et vous m’abandonnez dans cet affreux revers ?