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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/29

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Il est vrai, Briseis m’aime avec tant d’ardeur
Que ce coup imprévu lui percera le cœur,
Je conçois les ennuis dont je serai la cause,
Je l’en plains, mais enfin je me dois quelque chose,
Et je n’ai pas vaincu pour souffrir qu’à son choix
Ma Captive ait l’orgueil de me faire des lois.
Malgré tout le pouvoir que la guerre me donne,
Qu’elle me laisse à moi, je lui rends sa Couronne.
Un Trône, dont les droits, si je veux, me sont dûs
Est un prix assez grand pour des soupirs perdus.

ALCIME

Ayant aimé toujours Patrocle avec tendresse
Vous cessez tout à coup d’aimer une maîtresse ?
L’exemple est peu commun, et l’on voit rarement
Qu’un véritable ami soit infidèle Amant.

ACHILLE

L’amour et l’amitié, n’ont rien qui se ressemble,
C’est les connoître mal que les confondre ensemble,
Leurs droits sont différents en durée, en douceur,
La raison cause l’une, et l’autre vient du cœur ;
Et comme la raison quand elle veut qu’on aime,
Contente de son choix est toujours elle-même,
On doit peu s’étonner que dans ses longs progrès
Une forte amitié ne se rompe jamais :
Mais, Alcime, le cœur s’engage par surprise,
Sans prendre son aveu l’amour le tyrannise,
Et quand d’un bel Objet il se laisse charmer,
Il aime sans savoir qu’il a dessein d’aimer.
Le penchant qui l’entraîne en commençant de naître
Est une aveugle ardeur dont il n’est pas le maître,
Et comme elle est contrainte, il en voit le retour
Quand le temps fait languir les forces de l’amour.

ALCIME

Mais pour vous Polixène à vaincre est-elle aisée ?
Souillé du sang d’Hector…

ACHILLE

Son ombre est apaisée,