Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/294

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J’ai vu deux fois mon Art contre vous inutile.
Deux fois par vous mes projets avortés
De surprise à vos yeux m’ont laissée immobile ;
Et pour Silla vous vous épouvantez ?
Montrez dans la disgrâce une âme plus tranquille.
Le prompt effet qui suit vos volontés,
Pour changer son destin, vous rendra tout facile

glaucus

Ah, cessez d’insulter aux ennuis d’un Amant
Qui frémit de votre vengeance.
Contre moi, contre un Dieu vous manquez de puissance,
Et je puis d’un seul mot détruire en un moment ?
Ce qu’une crédule espérance
Offriroit pour me nuire à votre emportement.
Mais le Destin vous rend maîtresse de vos Charmes,
Quand ce n’est qu’un Mortel qu’attaque leur pouvoir,
Et si dans le malheur où Silla vient de choir
Je puis soulager mes alarmes
Par quelque foible ombre d’espoir,
Il n’est plus qu’à vous émouvoir,
De la seule pitié j’emprunte ici les armes.
De grâce, renoncez à vos transports jaloux,
Et pour laisser calmer leur aveugle furie,
Songez que deux Amants n’espèrent que par vous,
Qu’ils veulent vous devoir leur bonheur le plus doux,
Et que c’est un Dieu qui vous prie.

circé

Il n’est rien qu’on ne doive aux Dieux,
Et sur nos volontés leurs droits si loin s’étendent,
Qu’à la moindre prière on se tient glorieux
D’accorder tout ce qu’ils demandent ;
Mais comme entre eux et moi l’amour rend tout pareil,
Quand vous m’avez refusé votre hommage,
Songiez-vous que par cet outrage
C’étoit la Fille du Soleil
Dont vous aigrissiez le courage ?