Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/462

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Je l’attends en ce lieu. Depuis le triste jour
Que son funeste hymen a trahi mon amour,
N’ayant pû lui parler, je viens enfin lui dire…

Salsbury.

La voici qui paroît. Adieu, je me retire.
Quoi que vous attendiez d’un si cher entretien,
Songez qu’on veut vous perdre, & ne négligez rien.



Scène II.

LA DUCHESSE, LE COMTE.
La Duchesse.

J’ai causé vos malheurs, & le trouble où vous étes
M’apprend de mon hymen les plaintes que vous faites,
Je me les fait pour vous ; vous m’aimiez, & jamais
Un si beau feu n’eut droit de remplir mes souhaits.
Tout ce que peut l’amour avoir de fort, de tendre,
Je l’ai vu dans les soins qu’il vous a fait me rendre ;
Votre cœur tout à moi méritoit que le mien
Du plaisir d’être à vous, fît son unique bien
C’est à quoi son panchant l’auroit porté sans peine ;
Mais vous vous étes fait trop aimer de la reine ;
Tant de biens répandus sur vous jusqu’à ce jour,
Payant ce qu’on vous doit, déclarent son amour.
Cet amour est jaloux, qui le blesse est coupable,
C’est un crime qui rend sa perte inévitable,
La vôtre auroit suivi. Trop aveugle pour moi,
Du précipice ouvert vous n’aviez point d’effroi.
Il a fallu prêter une aide à la foiblesse
Qui de vos sens charmés se rendoit la maîtresse ;
Tant que vous m’eussiez vue en pouvoir d’être à vous,
Vous auriez dédaigné ce qu’eût pû son courroux.