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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/502

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Scène III.

LE COMTE, SALSBURY.
Le Comte.

Hé bien, de ma faveur vous voyez les effets.
Ce fier Comte d’Essex dont la haute fortune
Attiroit de flatteurs une foule importune,
Qui vit de son bonheur tout l’univers jaloux,
Abattu, condamné, le reconnoissez-vous ?
Des lâches, des méchans, victime infortunée,
J’ai bien, en un moment, changé de destinée !
Tout passe, & qui m’eût dit, après ce qu’on m’a vû,
Que je l’eusse éprouvé, je ne l’aurois pas crû.

Salsbury.

Quoique vous éprouviez que tout change, tout passe,
Rien ne change pour vous, si vous vous faites grace.
Je viens de voir la reine, & ce qu’elle m’a dit
Montre assez que pour vous l’amour toujours agit ;
Votre seule fierté, qu’elle voudroit abattre,
S’oppose à ses bontés, s’obstine à les combattre.
Contraignez-vous ; un mot qui marque un cœur soumis
Vous va mettre au-dessus de tous vos ennemis.

Le Comte.

Quoi, quand leur imposture indignement m’accable,
Pour les justifier je me rendrai coupable,
Et, par mon lâche aveu, l’univers étonné
Apprendra qu’ils m’auront justement condamné ?

Salsbury.

En lui parlant pour vous, j’ai peint votre innocence ;
Mais enfin elle cherche une aide à sa clémence.