Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/504

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Cependant, contre moi quoi qu’elle ose entreprendre,
Je les paye assez cher pour y pouvoir prétendre ;
Et l’on peut, sans se faire un trop honteux effort,
Pleurer un Malheureux dont on cause la mort.

Salsbury.

Quoi, ce parfait amour, cette pure tendresse
Qui vous fit si long-temps vivre pour la duchesse,
Quand vous pouvez prévoir ce qu’elle en doit souffrir,
Ne vous arrache point ce dessein de mourir ?
Pour vous avoir aimé, voyez ce que lui coûte
Le cruel sacrifice…

Le Comte.

Le cruel sacrifice…Elle m’aima, sans doute,
Et sans la reine, hélas ! j’ai lieu de présumer
Qu’elle eût fait à jamais son bonheur de m’aimer.
Tout ce qu’un bel objet d’un cœur vraiment fidéle
Peut attendre d’amour, je le sentis pour elle ;
Et peut-être mes soins, ma confiance, ma foi,
Méritoient les soupirs qu’elle a perdus pour moi ;
Nulle félicité n’eût égalé la nôtre,
Le ciel y met obstacle, elle vit pour un autre.
Un autre a tout le bien que je crus acquérir,
L’hymen le rend heureux, c’est à moi de mourir.

Salsbury.

Ah ! Si pour satisfaire à cette injuste envie,
Il vous doit être doux d’abandonner la vie,
Perdez-la, mais au moins que ce soit en héros ;
Allez de votre sang faire rougir les flots,
Allez dans les combats où l’honneur vous appelle,
Cherchez, suivez la gloire, & périssez pour elle.
C’est là qu’à vos pareils il est beau d’affronter
Ce qu’ailleurs le plus ferme a lieu de redouter.

Le Comte.

Quand contre un monde entier armé pour ma défaite
J’irois seul défier la mort que je souhaite,