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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/508

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Le Comte.

Cessez en l’ordonnant, cessez de vous trahir.
Vous m’estimeriez moins, si j’osois obéir.
Je n’ai pas mérité le revers qui m’accable,
Mais je meurs innocent, & je vivrois coupable.
Toujours plein d’un amour dont sans cesse en tous lieux
Le triste accablement paroîtroit à vos yeux,
Je tâcherois d’ôter votre cœur, vos tendresses
À l’heureux… Mais pourquoi ces indignes foiblesses ?
Voyons, voyons, Madame, accomplir sans effroi
Les ordres que le ciel a donnés contre moi.
S’il souffre qu’on m’immole aux fureurs de l’envie,
Du moins il ne peut voir de taches dans ma vie.
Tout le temps qu’à mes jours il avoit destiné
C’est vous, & mon pays, à qui je l’ai donné.
Votre hymen, des malheurs pour moi le plus insigne,
M’a fait voir que de vous je n’ai pas été digne,
Que j’eus tort, quand j’osai prétendre à votre foi,
Et mon ingrat pays est indigne de moi.
J’ai prodigué pour lui cette vie, il me l’ôte.
Un jour, peut-être, un jour il connoîtra sa faute.
Il verra par les maux qu’on lui fera souffrir…



Scène VI.

LA DUCHESSE, LE COMTE D’ESSEX, CROMMER, GARDES, suite de la duchesse.
Le Comte.

Mais, Madame, il est temps que je songe à mourir,
On s’avance, & je vois sur ces tristes visages,
De ce qu’on veut de moi de pressans témoignages.
Partons, me voilà prêt. Adieu, Madame, il faut,
Pour contenter la reine, aller sur l’échafaud.