Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/51

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Et si déjà pour moi c’est plus que le trépas,
Quand je connoîtrai tout, que ne sera-ce pas ?

PYRRHUS

Ah, tâchez, s’il se peut, de ne le point connoître,
Voyez de grâce Achille, il se rendra peut-être,
Si vous lui peignez bien à quel destin affreux
L’amour qu’il a pour vous livre trois malheureux.
Déjà depuis longtemps dites-lui que votre âme
Par l’aveu de Priam se doit toute à ma flamme,
Et qu’en vain il prétend que le titre d’époux
Assure à ses désirs ce qui n’est plus à vous.
Enfin, faites pour moi tout ce qu’il se peut faire,
Réveillez dans son cœur la tendresse de père,
Montrez-lui le respect où j’ai toujours vécu,
Et ne le quittez point que vous n’ayez vaincu.

BRISEIS

Quelque peu que j’espère, allez, pressez, Madame,
Essayez ce que peut la pitié sur son âme.
La fortune bientôt s’est changée entre nous,
Vous attendiez de moi ce que j’attends de vous.
Veuille le pur amour qui m’avoit trop flattée,
Qu’avec plus de succès vous soyez écoutée.

POLIXÈNE

Sur l’ordre de l’hymen qui fait tous nos malheurs,
C’est de loin seulement qu’Achille a vu mes pleurs,
Contre un cœur généreux ce sont de fortes armes,
J’en vais faire l’épreuve, et si mes foibles charmes
Font toujours qu’à sa gloire il m’ose préférer,
J’aurai pour vous du sang prêt à tout réparer.