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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/52

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Scène VI


Briseis, Pyrrhus, Phénice, Antilochus.

PYRRHUS

De quelle dureté doit-il être capable
Si pour vous, si pour elle il est inexorable ?
Attaqué par ses pleurs pourra-t-il résister ?

BRISEIS

Prince, ne cherchons point tous deux à nous flatter.
Trop de soins empressés d’obliger et de plaire
Ont précédé l’éclat qu’Achille vient de faire,
Pour avoir droit encor de nous persuader,
Que rien puisse jamais le contraindre à céder.
Ah, que le fort amour dans un cœur noble et tendre,
Pour peu qu’on se déguise, est facile à surprendre !
Ce courroux où sans peine on le vit renoncer,
Ce vain tombeau d’Hector qu’il fit soudain dresser,
Ces honneurs qu’à sa cendre il alla rendre à Troie,
Sa tente offerte au roi, ses soins pour lui, sa joie ;
Qui ne s’y fût trompée ? Il me devoit sa foi,
On m’avoit fait parler, j’expliquois tout pour moi,
Tant de marques d’amour me rendoient fière et vaine.
Cependant tout étoit pour plaire à Polixène,
Et telle est de mon sort la funeste rigueur
Que j’ai poussé les traits qui me percent le cœur.
Appuyant Polixène, et lui montrant ses larmes
Je l’ai livré moi-même au pouvoir de ses charmes.
Quel désespoir pour moi ! mais ne négligeons rien,
Prince, votre intérêt se trouve joint au mien,