Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/529

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Et qu’où l’amour ne vainc que pour être soumis,
Un triomphe cruel n’étoit jamais permis ;
Mais puisque vous voulez une entiere défaite,
Il faut, Madame, il faut vous rendre satisfaite.
Après ce dur aveu je sais ce que je doi,
Vous n’aurez point de peine à triompher de moi.
Sans m’opposer au bras qu’arme tant d’injustice,
J’irai de tout mon sang vous faire un sacrifice,
Et, cherchant à mourir, présenter à vos coups
Ce cœur que je n’ai pû rendre digne de vous.
Du moins, comme à l’amour, ma triste vie est dûe,
C’est par vous & pour vous que je l’aurai perdue ;
Et j’aurai la douceur dans mes derniers soupirs,
D’avoir, en expirant, contenté vos désirs.

Bradamante.

Seigneur, le sang n’est pas ce que mon cœur demande ;
Pour désarmer mon bras il suffit qu’on se rende ;
Et quand il vous plaira me dédaigner assez
Pour rougir du projet où vous vous abaissez,
Quelque juste sujet qu’une autre eût de s’en plaindre,
Renonçant à l’amour vous n’avez rien à craindre.
Maîtresse de ma foi, je répons de vos jours.

Léon.

Continuez, Madame, il vous vient du secours.
Marphise qui paroît, affermit dans votre ame
Le généreux mépris que l’on fait de ma flamme.
Je vous laisse avec elle, & vais me préparer
À ce qu’en vain encor je voudrois différer.