Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/530

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Scène III.

BRADAMANTE, MARPHISE, ISMENE, DORALISE.
Marphise.

Avouez-le, Madame, il faut de la constance
Pour regarder le sceptre avec indifférence ;
Et Léon, dont l’hymen vous doit faire régner,
Est d’un rang que sans peine on ne peut dédaigner ;
Il vous en aura peint le solide avantage.
Quelquefois à céder un moindre charme engage,
Et je ne sai pourquoi je veux craindre aujourd’hui
Que vous ne combattiez moins pour vous que pour lui.
Pardonnez cette crainte à l’amitié sincere
Qui me fait partager les sentimens d’un frere.
Roger de votre amour se fait un tel bonheur,
Que s’il falloit vous perdre il mourroit de douleur.

Bradamante.

Roger a mérité cette noble tendresse
Qui fait que dans son sort une sœur s’intéresse,
Mais de pareils soupçons me sont injurieux,
Et Marphise devroit me connoître un peu mieux.
C’est peu que pour Roger j’aye osé de mon pere
Par d’éclatans refus m’attirer la colere.
Sur vingt amans vaincus mon triomphe a de quoi
Justifier ma flamme, & signaler ma foi ;
Et je puis mépriser ce qu’on en voudra croire,
Quand de si sûrs témoins répondent de ma gloire.

Marphise.

Vingt amans, il est vrai, n’ont que pour leur malheur
Osé de votre bras éprouver la valeur,