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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/531

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Mais leurs efforts trompés n’ont rien qui nous étonne.
Ces vingt amans vaincus n’avoient pas de couronne ;
Et Léon contre vous, après tant de combats,
A des secours plus forts que celui de son bras.

Bradamante.

Et si cette couronne a pour moi tant de charmes,
Quel motif m’a portée à recourir aux armes ?
Par ses ambassadeurs Constantin me l’offroit,
Léon par son hymen à mes vœux l’assuroit.
Pour ne l’accepter pas je me suis déclarée ;
Et la foi qu’à Roger j’ai de nouveau jurée,
Ne laissant nul espoir d’ébranler mon amour,
M’a fait, pendant six mois, exiler de la cour.
Sur moi par ses rigueurs qu’a pû le duc mon pere ?

Marphise.

Ce fut sans doute aimer que braver sa colere ;
Mais à qui vous vaincra promettre votre main,
C’est rendre de l’amour le triomphe incertain.
Si de l’ambition vous êtes possédée,
On impute au hazard la victoire cédée ;
Et le nom de vainqueur qui vous donne un époux,
Met Léon en état d’être digne de vous.
On peut se repentir d’un refus magnanime.

Bradamante.

Je puis ne vaincre pas, vous m’en faites un crime ;
Mais quel moyen plus sûr ai-je eu de m’engager
À devenir le prix de l’amour de Roger ?
Mon pere sur mes vœux par-là n’a plus d’empire,
Aux loix de mon défi le roi l’a fait souscrire ;
Et tout favorisant un si noble dessein,
Il ne tient qu’à Roger de mériter ma main.
Quand à le couronner l’amour par moi s’apprête,
Que ne vient-il, l’ingrat, disputer sa conquête ?
Mais peut-être qu’ailleurs un mérite éclatant
L’arrête en des liens…