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Scène III.

LÉON, ROGER.
Roger.

Hé bien, Seigneur, hé bien, vous plaindrez-vous encore
D’un secret dont l’aveu me perd, me déshonore ?
Je n’en suis plus le maître, & Marphise a parlé ;
Ce funeste secret est enfin révélé.
Réduit à confesser ce que je voulois taire,
Malgré moi je vous montre un rival téméraire,
Qui ne peut, quoi qu’il fasse, être assez généreux
Pour voir, sans en souffrir, ce qui vous rend heureux.
Le crime est grand, sans doute, ordonnez-en la peine,
Mais ne m’accablez point, Seigneur, de votre haine.
Je sacrifie assez peut-être à l’amitié
Pour mériter de vous un reste de pitié.

Léon.

Non, ne prétendez point que ce dur sacrifice
De vos déguisemens efface l’injustice.
Sur ce que vous souffrez en vain j’ouvre les yeux,
Je ne puis voir en vous qu’un rival odieux.
J’ose tout, je fais tout pour vous sauver la vie ;
Et, lors qu’à m’estimer ce bienfait vous convie,
Par un silence ingrat vous faites vanité,
D’être sans confiance & sans sincérité.

Roger.

La vie, hélas ! Pourquoi me l’avez-vous sauvée ?
Quand j’attendois la mort, par vous m’est conservée,
Il est vrai ; mais je puis vous apprendre, à mon tour,
Que ce bienfait reçû vous a sauvé le jour.