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Scène III.

BRADAMANTE, LÉON, ROGER, DORALISE.
Bradamante.

Prince, votre valeur partout s’est fait connoître,
Par ma défaite encore elle vient de paroître ;
Et ce triomphe joint à cent exploits divers,
Du bruit de votre nom va remplir l’univers.
Mais d’une plus solide & plus grande victoire,
Après m’avoir vaincue, il vous manque la gloire.
Je vous la viens offrir, elle dépend de vous.
Je ne vous saurois plus refuser pour époux ;
Si vous voulez ma main, il faut que je la donne,
L’impérieuse loi du combat me l’ordonne.
Mais l’honneur quelquefois semble faire un devoir
De ne pas exiger tout ce qu’on peut vouloir ;
Et de ce qu’on obtient le prix ne touche guere,
Quand on sait que le don n’en est pas volontaire.
Faites un effort, Prince, & maître de ma foi,
Triomphez de vous-même, & me rendez à moi.
Je sai qu’il est fâcheux d’étouffer une flamme
Dont le sensible appas…

Léon.

Dont le sensible appas…Je le vois bien, Madame,
Sur moi, sur mon amour, Roger toujours aimé
Doit emporter le prix qui m’avoit trop charmé.

Roger.

Seigneur, n’insultez point à mon malheur extrême…
Je sais…

Bradamante.

Je sais…Non, je n’agis ici que pour moi-même,