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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/59

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POLIXÈNE

Et bien, Seigneur, et bien, j’oublierai que je l’aime,
Ne faites rien pour lui, faites tout pour vous-même.
Je ne demande plus que vos chagrins jaloux
lui souffrent un amour à ses désirs trop doux,
Un autre de ce crime auroit voulu l’absoudre,
Vous voulez qu’il l’expie, il faudra l’y résoudre.
Mais enfin vos serments, le don de vôtre foi,
Tout est pour Briseis, vous la voyez en moi.
Sauvez-la des ennuis dont je tremble pour elle,
Sauvez-vous de l’affront d’être lâche, infidèle.
Votre seul intérêt fait naître mes refus,
C’en est fait, pour jamais je renonce à Pyrrhus,
Qu’il parte avecque vous. Éloignez l’un de l’autre,
Il plaindra son amour étouffé par le vôtre.
Pour moi, qui de mon cœur essayerai d’obtenir
Qu’il immole à ma gloire un si doux souvenir,
Je me contenterai de l’innocente joie
De voir régner Priam sur les restes de Troie.

ACHILLE

N’écouter mon amour que pour le dédaigner,
Madame ce n’est pas le moyen de régner.
Vous gardez trop longtemps un espoir inutile,
Plus de Trône pour vous qu’en épousant Achille,
Résolvez, le destin est assez glorieux.

POLIXÈNE

Faites donc, inhumain, faites plus que les Dieux.
Jusqu’ici quelque sort dont la rigueur me brave,
Ils n’ont pu me forcer à prendre un cœur d’esclave,
Et c’est un juste orgueil que ce cœur va trahir,
Si quand vous commandez, il me laisse obéir.

ACHILLE

De cet illustre orgueil donnez un fier exemple,
Qu’il éclate. Ce soir j’ai promis d’être au Temple,
J’y serai. Si ma main est pour vous sans appas,
Madame, vous pouvez ne vous y rendre pas.
Je n’irai point sur vous dans ma juste colère
Mendier lâchement l’autorité d’un père,