Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/60

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Un cœur tel que le vôtre a droit de tout oser.
Cependant de mon bras je pourrai disposer,
Et quand sur vos remparts le carnage et la flamme
Aux dernières horreurs exposeront vôtre âme,
Vous n’aurez pas sujet dans vos cris superflus
De m’imputer des maux que vous aurez voulus.

POLIXÈNE

Non, cruel, vos fureurs n’auront pas l’avantage
De me rendre témoin de cet affreux carnage,
C’est assez qu’aujourd’hui je le puis racheter
Par le dur sacrifice où je vais m’apprêter.
Pour épargner à Troie un destin si funeste,
J’irai porter ma main, les Dieux feront le reste.
Ils savent que mon cœur mille fois déchiré
Paye en larmes de sang tout ce qu’elle a pleuré,
Que s’il ne s’agissoit de prévenir sa chute,
Cent morts me seroient moins que ce que j’exécute,
Qu’auprès de ce tourment tout supplice est léger ;
S’ils ont de la justice ils voudront y songer,
Ils se repentiront d’avoir pu se résoudre
A vous laisser sur moi lancer plus que leur foudre,
Et vengeant Briseis, apprendront aux ingrats
Que c’est pour mieux punir qu’ils retiennent leur bras.
Jouissez à ce prix de mon cruel martyre.
À Briseis qui paroît.
Madame, je m’éloigne, et n’ai rien à vous dire.
Nous n’aurons pas sitôt la fin de nos malheurs,
Tout s’arme contre nous, voyez-le par mes pleurs.