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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/71

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Je vivois pour vous seule, et si l’ordre barbare…
Hélas ! Encor un coup faut-il qu’on nous sépare ?
Que l’on ne m’ait permis que des vœux superflus ?

POLIXÈNE

Aimez-moi toujours, Prince, et ne me parlez plus.

PYRRHUS

Adieu, Madame, il faut en vous cachant ma rage
Vous donner de ma flamme un dernier témoignage ;
Après tant de malheurs, puisse le ciel sur vous
Verser à pleines mains ce qu’il a de plus doux.
C’est l’unique souhait que l’on m’entendra faire.
Régnez, vivez heureuse, et s’il est nécessaire
Que votre cœur s’arrache aux traits qu’il a reçus,
Je me rends, oubliez le malheureux Pyrrhus.
Pour moi, qui veux au feu dont j’ai l’âme asservie,
Donner tous les moments qui me restent de vie,
Je vous répons d’un cœur ferme à vous adorer
Tant que sous mes ennuis il me faille expirer,
Et si les Dieux touchés de mon amour extrême,
Au de là du tombeau peuvent souffrir que j’aime,
Ce cœur encor à vous, quoi qu’il m’en ait coûté,
Ne cherchera jamais d’autre félicité.


Scène III


Briseis, Polixène, Pyrrhus, Phénice, Ilione.

BRISEIS

Je n’ai rien gagné, Prince, et Troie est la plus forte,
Contre les droits du Sang son intérêt l’emporte,
En vain de ma douleur Priam a vu l’éclat,
Il doit ce sacrifice au besoin de l’État,