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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/73

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Voyez, dans le revers qui nous perd l’un et l’autre,
De combien mon malheur est plus grand que le vôtre.
Pour appui de vos feux vous n’avez eu jamais
Que l’espoir chancelant d’une incertaine paix,
La colère d’Achille implacable en sa haine,
Après Patrocle mort vous ôtait Polixène,
Et quand elle vous perd, quels que soient vos malheurs,
Du moins, Prince, du moins vous lui coûtez des pleurs.
Mais après un espoir qui n’eut rien à combattre
La main qui m’élevoit s’intéresse à m’abattre,
Et je ne pers Achille en ce funeste jour
Que parce qu’il lui plaît de trahir mon amour.
Sa seule dureté de mon trépas ordonne,
On ne me l’ôte point, c’est lui seul qui se donne,
Et qui sans être aimé ne cherche contre moi
Que l’indigne douceur de me manquer de foi.
Ah, c’est peu que sa mort pour venger cette injure,
Inventons, s’il se peut, quelque peine plus dure,
Qui lente à le punir ait toujours le pouvoir…


Scène V


Briseis, Pyrrhus, Phénice, Antilochus.

ANTILOCHUS

Seigneur, la paix a mis Pâris au désespoir.
Achille avec les Siens au Temple entroit à peine,
Qu’on l’a vu, prévenant Priam et Polixène,
Escorté de Troyens, sans respect pour les Dieux,
S’y lancer tout à coup en amant furieux.
Si ce qu’on dit est vrai, l’ardeur qui les engage
S’augmentant par le sang les pousse à tant de rage,