Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Béatrix.

Le bien fait de grands sots.C’est un prétexte honnête
Pour porter, sans rougir, la qualité de bête.
Mais n’appréhendez rien ; Dom César d’Avalos,
Quoique riche, n’est point du nombre de ces sots.
La preuve par Enrique en est assez facile.
Ainsi que Dom César, Enrique est de Séville ;
Et le bien qui s’en dit par lui-même affermi,
Est d’autant moins suspect, qu’il est son ennemi.

Isabelle.

Peut-être est-ce par-là qu’il tâche de lui nuire.
Quelquefois on éleve afin de mieux détruire ;
Rien n’est plus dangereux que de préocuper.

Béatrix.

Et vous croyez qu’Enrique oseroit vous tromper,
Lui, qui depuis deux ans que dure son affaire,
N’a d’amis à Madrid que ceux de votre pere ?

Isabelle.

Quand il faut dire oui, pour ne plus dire non,
Crois-moi, l’on n’y sauroit faire trop de façon ;
La chose est pour mon compte.

Béatrix.

La chose est pour mon compte.Hé, puisque c’est la mode,
Ne songez qu’aux écus, c’est là le plus commode.
Quand les maris en ont, de quoi s’inquiéter ?
S’ils veulent être sots, il faut les contenter.
Est-il si difficile ?

Isabelle.

Est-il si difficile ?Ainsi, sans nul scrupule
Le bien te feroit prendre un mari ridicule,
Un de ces obstinés dont rien ne vient à bout ?

Béatrix.

Vivent les gens d’esprit, ils se tirent de tout.
Mais quand pour Dom César la crainte vous arrête,
Dites, n’auriez-vous point quelque autre chose en tête ?