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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/85

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Galant, spirituel, mais je ne sai qui c’est.

Béatrix.

Vous l’ignorez ?

Isabelle.

Vous l’ignorez ?Apprens l’avanture bizarre
Qui m’expose aux chagrins que l’amour me prépare.
Un de ces derniers soirs étant sortie exprès
Pour aller où chacun aime prendre le frais,
Je marchois à pas lens avecque ma cousine,
Quand un je ne sai qui d’assez mauvaise mine,
Troublant notre entretien par de sots complimens,
Nous ôte la douceur de ces heureux momens.
Sa poursuite obstinée allant à l’insolence,
Un cavalier survient qui prend notre défense.
Il repousse l’insulte, & d’un air peu commun,
Met la main à l’épée, & fait fuir l’importun.
Juge à quoi ce service engage une belle ame.
Ce cavalier m’aborde, & d’un œil tout de flamme
S’attachant fortement à me considérer,
Me fait l’offre d’un cœur que je fais soupirer.
Cent discours obligeans secondent cet hommage.
Que d’esprit ! On ne peut en montrer davantage ;
Mais la nuit survenant, nous rompons l’entretien,
Lui sans dire son nom, moi sans dire le mien.
Le reste au lendemain, à même heure, au lieu même,
Il me répond d’un feu qui va jusqu’à l’extrême,
Et devant Léonor veut m’engager sa foi,
Que jamais, quoi qu’on fasse, il n’aimera que moi.
Je l’ai vû quatre fois, toujours même assurance
D’un amour sans égal, d’une entiere constance ;
Mon cœur contre sa flamme a peine à s’obstiner,
Et voudroit être à lui, s’il osait se donner.

Béatrix.

Qu’au moindre mot d’amour la jeunesse est crédule !
Ce diseur de beaux mots sait dorer la pillule ;