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et les décoctions sont des remèdes inutiles, presque ridicules, ces affections ne cédant qu’aux incisions du séton et aux brûlures du moxa.

M. Sulte dit, dans un endroit de son ouvrage :

« Avec des gens qui ne se gênent pas, dit un proverbe, il ne faut point se gêner : les Jésuites ont joué leur rôle ici à notre détriment : ils n’ont pas de titre à l’impunité. »

Tous les vrais Canadiens-Français diront : Nous devons une dette, dette immense, de reconnaissance aux Jésuites ; vous les outragez de la façon la plus grossière, M. Sulte, et cela en notre nom ; on ne doit pas, on ne peut pas se gêner avec vous et vous ne devez pas jouir d’une impunité qui comporterait, de notre part, une infâme lâcheté.

Déjà de nobles protestations se sont produites, parmi lesquelles il faut noter celles de M. Thomas Chapais, et du Cercle catholique de Québec. Il en viendra encore d’autres, je l’espère : on ne doit pas pouvoir impunément se moquer de l’intelligence et du cœur d’un peuple qui connaît le prix de la reconnaissance.[1]

L’idée mère du livre de M. Sulte, c’est qu’avant lui personne n’a compris l’histoire du Canada. C’est lui qui, entre autres choses, a découvert les habitants : il en a fait son bien, sa propriété. Avant lui, on n’en parlait pas ; après lui, probablement, il ne sera plus permis d’en parler. Il met cette idée à toutes les sauces, elle revient partout où c’est lui qui tient la parole dans son livre. Il ne laisse pas même à son lecteur le plaisir de reconnaître cette belle découverte, il y met l’étiquette, toujours, sans se lasser. Cela remet en mémoire l’anecdote de ce peintre qui, ayant voulu représenter le roi des airs et n’ayant pas réussi, écrivit au bas de son tableau : « C’est un aigle. »

« L’Histoire du Canada, dit M. Sulte, a été écrite par trois classes d’hommes : les Français, qui n’ont voulu y voir que les intérêts français ; les religieux, qui se sont extasiés sur les missions et les laïques, effrayés par la menace des censures ecclésiastiques. Nous qui ne sommes ni Français de France, ni prêtre, et qui ne craignons pas les censure ecclésiastiques, nous écrivons la vérité. »

À la lecture de pareille tirade, on s’indigne d’abord, on dédaigne ensuite, puis on est pris d’une immense pitié. À tout cas, n’est-ce pas qu’on aurait tort de se gêner avec M. Sulte ? Avant lui, on n’avait pas d’histoire vraie du Canada, c’est lui qui va l’inventer. C’est à cause de cela, sans doute, qu’une grosse partie de son livre se compose de citations prises aux ouvrages de ces trois classes d’hommes qu’il accuse d’avoir

  1. Depuis que ceci a été publié, pour la première fois, de nombreuses protestations ont eu lieu, entre autres celle de M. P. B. Mignault, dans la Revue canadienne de Montréal, et celles de M. Damase Bélanger et de l’Institut Saint-Louis de Québec.