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Page:Tachard - Voyage de Siam, des Pères jésuites, 1686.djvu/251

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DE SIAM. Livre III.

n’avoit pas encore retirez. Il en ſortit en fin ; mais il fut repouſſé par le mauvais tems, & fit naufrage deux fois de ſuite vers l’embouchûre de la riviere.

S’etant remis en Mer, il en fit un troiſiéme bien plus fâcheux sur la côte de Malabar, il y penſa périr luy-même, & ne put ſauver que deux mille écus de tout ſon bien. Accablé de triſteſſe, de fatigue & de ſommeil, il ſe coucha ſur le rivage. Alors ſoit qu’il fût endormi ou éveillé, car il m’a proteſté plus d’une fois qu’il ne le ſçavoit pas luy-même, il crut voir une perſonne pleine de Majeſté, qui le regardant d’un œil riant, luy dit avec beaucoup de douceur : Retourne, retourne ſur tes pas. Ces paroles le frappèrent ſi vivement, qu’il luy fut impoſſible de dormir tout le reſte de la nuit, & il ne ſongea plus qu’à trouver les moyens de revenir à Siam.

Le lendemain comme il ſe promenoit au bord de la Mer, rêvant à ce qu’il avoit vû pendant la nuit, & incertain de ce qu’il en devoit croire, il vit venir à luy un homme tout dégoûtant d’eau avec un viſage triſte & abattu. C’étoit un Ambaſſadeur du Roy de Siam, qui en revenant de Perſe avoit fait auſſi naufrage, ſans avoir rien pû ſauver que ſa vie. Comme ils parloient tous deux

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