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introduction.

six mois, M. Claudius Tacitus, avait ordonné qu’on plaçât dans toutes les bibliothèques un Tacite complet, et qu’on en fît chaque année dix copies authentiques aux frais de l’Etat[1] : décret non moins glorieux pour l’empereur que pour l’historien, mais qui ne pouvait rien contre dix siècles de révolutions et de barbarie.

Une hypothèse que rien ne réfute, mais que rien ne confirme, fait naître Tacite du Chevalier romain Cornelius Tacitus, procurateur du prince en Belgique, mentionné par Pline le Naturaliste comme ayant eu un fils qui grandit de trois coudées en trois ans, et mourut subitement d’une contraction de nerfs. Si la conjecture est vraie, cet enfant monstrueux était le frère de notre historien. D’autres supposent que c’est Tacite lui-même qui fut Intendant de César, et que l’enfant dont parle Pline était son fils. C’est une erreur que Bayle a combattue par des arguments sans réplique, et que M. Daunou condamne également dans le savant article sur Tacite dont il a enrichi la Biographie universelle.

L’époque précise où naquit Tacite ne nous est pas mieux connue. Un peu plus âgé que Pline le Jeune, son ami, il avait acquis déjà une brillante réputation au barreau, quand celui-ci était encore dans l’adolescence. Cependant Pline, dans la même lettre qui nous apprend ce fait, dit qu’ils étaient presque du même âge[2], ætate propemodum æquales. Ces expressions ne permettent pas de supposer entre eux plus de six ou sept ans d’intervalle. Or, Pline était dans sa dix-huitième année quand son oncle périt sous les feux du Vésuve, l’an 79 de notre ère ; et par conséquent il était né en 62 ou à la fin de 61, ce qui conduit à placer la naissance de Tacite vers l’an 54 ou l’an 55.

Ses premières années se passèrent sous Néron : il vit, fort jeune encore, les règnes éphémères de Galba, d’Othon et de Vitellius. Rien n’empêche de croire qu’il fut disciple de Quintilien, dont les leçons entretinrent pendant vingt ans le goût des études solides, et retardèrent la décadence de l’art oratoire, commencée des le temps d’Auguste. Mais ce fait n’est ni exprimé ni indiqué dans aucun passage des anciens. Si Tacite est vraiment l’auteur du Dialogue dont nous parlerons plus bas, on en doit conclure qu’il suivait dans sa jeunesse les plaidoiries de M. Aper et de Julius Sécundus, orateurs alors en grand renom[3]. Sa correspondance avec Pline le Jeune nous apprend qu’il cultiva aussi la poésie[4] ; et il est facile de s’en apercevoir à la pompe de son style, et à quelques fragments de vers qui lui échappent, surtout dans ses premiers ouvrages.

Tacite épousa en 77 ou en 78 la fille d’Agricola[5], et cette alliance prouve qu’il tenait un rang dislingué parmi les jeunes Romains : Agricola venait d’être consul, et il partait pour le gouvernement de Bretagne, un des plus importants de l’Empire, et le seul où l’occasion s’offrît en ce temps-là de s’illustrer par les armes. Il n’est dit

  1. Vopicus, Tacit., x.
  2. Pline, Ép., VII, xx.
  3. Dialogue sur les Orateurs chap. ii.
  4. Pline, Ép. IX, x.
  5. Agricola, chap. ix.