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iii
introduction.

nulle part si Tacite eut des enfants de ce mariage : toutefois il est probable qu’il ne mourut pas sans postérité, puisque l’empereur Tacitus se glorifiait de tirer de lui son origine, et qu’au ve siècle l’historien est cité dans une lettre de Sidonius Apollinaris comme un des ancêtres de Polémius, alors préfet des Gaules. Au reste, l’une et l’autre descendance pourraient être collatérales ; il serait même possible qu’elles fussent imaginaires ; et, si nous en parlons, c’est que, dans le manque absolu de renseignements positifs, aucune indication ne doit être négligée.

Nous savons de Tacite lui-même qu’il entra sous Vespasien dans la carrière des honneurs[1], dont le premier degré était le vigintivirat, magistrature subalterne par laquelle, depuis Auguste, il fallait passer pour arriver à la questure[2] Vespasien mourut en 79 : si Tacite fut questeur sous son règne, sa naissance ne peut être placée plus bas que l’an 55 ; car on ne pouvait être questeur qu’à vingt-quatre ans accomplis. Ses honneurs furent accrus par Titus, qui lui conféra sans doute l’édilité ou le tribunat ; ce qui est certain, c’est qu’en l’an 88, à l’époque des jeux séculaires célébrés par Domitien, Tacite était préteur et quindécemvir[3]. Il passa loin de Rome la moitié au moins des huit années qui s’écoulèrent depuis sa préture jusqu’à la mort de Domitien ; car en 93, quand son beau-père cessa de vivre, il était absent depuis quatre ans. Il n’était pas exilé, comme l’ont prétendu quelques-uns, puisqu’il félicite Agricola de n’avoir vu ni ses amis ni sa famille frappés d’aucun revers. Juste-Lipse pense qu’il s’etait éloigné pour fuir l’esclavage et chercher le repos : mais l’illustre critique oublie qu’il fallait aux sénateurs une permission du prince pour sortir de l’Italie[4] ; et, si l’on en juge par les termes dans lesquels Tacite se plaint de son absence, il ne paraît pas qu’elle fût volontaire[5]. La supposition la plus vraisemblable, c’est qu’il exerçait dans quelque province les fonctions de propréteur. Pourquoi Domitien, qui lui avait donné à Rome la préture, lui aurait-il refusé cette charge, à laquelle il avait des droits ? Pline le Jeune était préteur l’année même de la mort d’Agricola ; d’où il suit évidemment que les deux amis n’étaient pas persécutés.

Quoi qu’il en soit de ces conjectures, Tacite était de retour à Rome pendant les dernières années de Domitien, comme le prouve assez la manière dont il parle de cette époque dans la Vie de son beau-père ; et sa qualité de sénateur le rendit le témoin et le complice forcé des cruautés qu’il déplore avec tant d’éloquence[6].

Enfin le tyran fut accablé par une conspiration de ses proches ; et le monde, fatigué de quinze ans d’oppression, vit s’ouvrir, par l’avé-

  1. Histoires, liv. I, chap i
  2. Annales, liv. III, chap xxix
  3. Ibid., liv. XI, chap. xi ; ces jeux eurent lieu sous le consulat de Domitian et de L. Minucius, l’an de Rome 841, de notre ère 88.
  4. Ibid., liv. XII, chap. xxiii
  5. Agricola, chap. xliv : tam longæ absentiæ conditione.
  6. Ibid., chap. xlv