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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/120

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personnelles" Il faut laisser aux bruits les plus vains le temps de se dissiper : souvent l’innocence n’a pu résister aux premiers effets de la prévention. Mais Pison, à la tête d’une armée et accru de nouvelles forces, verra naître du hasard mille événements favorables, qu’on ne saurait prévoir. Nous presserons-nous d’arriver avec les cendres de Germanicus, afin que la tempête excitée par les gémissements d’Agrippine et les clameurs d’une multitude égarée vous emporte avant que votre voix ait pu se faire entendre ? Vous avez pour vous vos intelligences avec Augusta, la faveur de César ; mais c’est en secret, et nul ne pleure Germanicus avec plus d’ostentation que ceux à qui sa mort cause le plus de joie."

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Pison, qui aimait les partis violents, fut sans peine entraîné. Il écrivit à Tibère des lettres où il accusait Germanicus de faste et d’arrogance. "Chassé, ajoutait-il, pour que le champ restât libre à des projets ambitieux, la même fidélité qu’il avait montrée dans le commandement des légions lui avait fait un devoir de le reprendre." En même temps il fit partir Domitius sur une trirème pour la Syrie, avec ordre d’éviter les côtes et de se tenir au large en passant devant les îles. Des déserteurs arrivaient de toutes parts : il les forme en compagnies, arme les valets d’armée, et, s’étant rendu avec sa flotte sur le continent, il intercepte un détachement de nouveaux soldats qui allait en Syrie, et mande aux petits souverains de la Cilicie de lui envoyer des secours. Le jeune Marcus, qui s’était prononcé contre la guerre, ne l’en secondait pas avec moins d’ardeur dans ces préparatifs.

79

La flotte de Pison, en côtoyant les rivages de Lycie et de Pamphylie, rencontra les vaisseaux qui ramenaient Agrippine. Le premier mouvement, des deux côtés, fut d’apprêter ses armes ; et, des deux côtés, la crainte, plus forte que la colère, fit qu’on s’en tint aux injures. Marsus Vibius somma Pison de venir à Rome pour s’y justifier. Pison répondit avec ironie "qu’il y serait quand le préteur qui connaît des empoisonnements aurait fixé le jour à l’accusé et aux accusateurs." Cependant Domitius avait abordé à Laodicée, ville de Syrie, et se rendait au camp de la sixième légion, qu’il croyait la plus disposée à servir ses desseins : il y fut prévenu par le lieutenant Pacuvius. Sentius annonça cette nouvelle à Pison, dans une lettre où il l’avertissait de ne plus attaquer l’armée par la corruption, la province par les armes : puis il rassemble tous ceux qu’il savait attachés à la mémoire de Germanicus