Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/121

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et ennemis de ses persécuteurs ; et, invoquant la majesté de l’empereur, protestant que c’est à la république elle-même qu’on déclare la guerre, il se met en marche avec une troupe nombreuse et décidée à combattre.

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Pison, qui voyait échouer ses tentatives, n’en prit pas moins les meilleures mesures que permît la circonstance : il s’empara d’un château très fort de Cilicie, nommé Célendéris. En mêlant les déserteurs, les recrues dernièrement enlevées, les esclaves de Plancine et les siens, aux troupes envoyées par les petits princes de Cilicie, il en avait formé l’équivalent d’une légion. Il attestait sa qualité de lieutenant de César. "C’était de César, disait-il, qu’il tenait sa province ; et il en était repoussé, non par les légions (elles-mêmes l’appelaient), mais par Sentius, qui cachait sous de fausses imputations sa haine personnelle. Qu’on se montrât seulement en bataille ; et les soldats de Sentius refuseraient de combattre dès qu’ils apercevraient Pison, que naguère ils nommaient leur père, Pison fort de son droit si l’on consultait la justice, assez fort de ses armes si l’on recourait à l’épée." Il déploie ses manipules devant les remparts du château, sur une hauteur escarpée, du seul côté qui ne soit pas baigné par la mer. Les vétérans de Sentius s’avancèrent sur plusieurs lignes, et soutenus de bonnes réserves. Ici d’intrépides soldats ; là une position du plus rude accès, mais nul courage, nulle confiance, pas même d’armes, si ce n’est des instruments rustiques, ramassés à la hâte. Le combat, une fois engagé, ne dura que le temps nécessaire aux cohortes romaines pour gravir la colline : les Ciliciens prirent la fuite, et s’enfermèrent dans le château.

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Pison fit contre la flotte, mouillée à peu de distance, une entreprise qui n’eut pas de succès. Il rentra dans la place, et, du haut des murailles, tantôt se désespérant aux yeux des soldats, tantôt les appelant par leur nom, les engageant par des récompenses, il les excitait à la révolte. Déjà il avait ébranlé les esprits au point qu’un porte-enseigne de la sixième légion était passé à lui avec son drapeau. Alors Sentius fait sonner les trompettes et les clairons, ordonne qu’on marche au rempart, qu’on dresse les échelles, que les plus résolus montent à l’assaut, tandis que d’autres, avec les machines, lanceront des traits, des pierres, des torches enflammées. L’opiniâtreté de Pison fléchit à la fin, et il offrit de livrer ses armes, demandant seulement à rester dans le fort jusqu’à ce que César eût décidé à qui serait confiée la Syrie. Ces conditions