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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/139

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qui son commerce avec la petite-fille d’Auguste n’attira d’autre rigueur que la disgrâce du prince, se tint néanmoins pour averti d’aller en exil ; et ce ne fut que sous Tibère qu’il osa implorer le sénat et l’empereur. Il dut son rappel au crédit de Marcus Silanus, son frère, homme aussi éminent par son éloquence que par l’éclat de sa noblesse. Tibère, auquel Marcus adressait des remerciements, lui répondit en plein sénat, "qu’il se réjouissait avec lui de ce que son frère était revenu d’un long voyage ; que Décimus avait usé de son droit, puisque ni loi ni sénatus-consulte ne l’avaient banni ; que cependant il ne lui rendait pas l’amitié que son père lui avait retirée, et que les volontés d’Auguste n’étaient pas révoquées par le retour de Silanus." Décimus acheva sa vie à Rome, sans parvenir aux honneurs.

25

On parla ensuite d’adoucir la loi Papia Poppea13 qu’Auguste, déjà vieux, avait ajoutée aux lois Juliennes14, pour assurer la punition du célibat et accroître les revenus du trésor public15. Cette loi ne faisait pas contracter plus de mariages ni élever plus d’enfants (on gagnait trop à être sans héritiers) ; mais elle multipliait les périls autour des citoyens, et, interprétée par les délateurs, il n’était pas de maison qu’elle ne bouleversât : alors les lois étaient devenues un fléau, comme autrefois les vices. Cette réflexion me conduit à remonter aux sources de la législation, et aux causes qui ont amené cette multitude infinie de lois différentes.

13. Cette loi fut portée en 762, sous les consuls subrogés M. Papius Mutilus, et Q. Poppéus Sécundus.
14. La loi Julia, de Maritandis ordinibus, fut portée par Auguste en 736, pour encourager les mariages et punir le célibat. Son principal but était de réparer la population épuisée par les guerres civiles, où il avait péri 80.000 hommes armés.
15. Voy. chap. XXVIII.

Digression de Tacite sur les lois

26

Les premiers hommes, encore exempts de passions désordonnées, menaient une vie pure, innocente, et libre par là même de châtiments et de contrainte. Les récompenses non plus n’étaient pas nécessaires, puisqu’on pratiquait la vertu par instinct ; et comme on ne désirait rien de contraire au bon ordre, rien n’était interdit par la crainte. Quand l’égalité disparut, et qu’à la place de la modération et de l’honneur régnèrent l’ambition et la force, des monarchies s’établirent, et chez beaucoup de peuples elles se sont perpétuées. D’autres dès