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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/140

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l’origine ou après s’être lassés de la royauté, préférèrent des lois. Elles furent simples d’abord et conformes à l’esprit de ces siècles grossiers. La renommée a célébré surtout celles que Minos donna aux Crétois, Lycurgue aux Spartiates, et plus tard Solon aux Athéniens : celles-ci sont déjà plus raffinées et en plus grand nombre. Chez nous, Romulus n’eut de règle que sa volonté. Numa, qui vint après, imposa au peuple le frein de la religion et des lois divines : quelques principes furent trouvés par Tullus et par Ancus ; mais le premier de nos législateurs fut Servius Tullius, aux institutions duquel les rois même devaient obéissance.

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Après l’expulsion de Tarquin, le peuple, en vue d’assurer sa liberté et d’affermir la concorde, se donna, contre les entreprises des patriciens, de nombreuses garanties. Des décemvirs furent créés, qui, empruntant aux législations étrangères ce qu’elles avaient de meilleur, en formèrent les Douze Tables, dernières lois dont l’équité soit le fondement, car si celles qui suivirent eurent quelquefois pour but de réprimer les crimes, plus souvent aussi, nées de la division entre les ordres, d’une ambition illicite, de l’envie de bannir d’illustres citoyens ou de quelque motif également condamnable, elles furent l’ouvrage de la violence. De là les Gracques et Saturninus semant le trouble dans la multitude ; et Drusus non moins prodigue de concessions au nom du sénat ; et les alliés gâtés par les promesses, frustrés par les désaveux. Ni la guerre italique, ni la guerre civile, qui la suivit de près n’empêchèrent d’éclore une foule de lois, souvent contradictoires ; jusqu’à ce que L. Sylla, dictateur, après en avoir aboli, changé, ajouté un grand nombre, fît trêve aux nouveautés, mais non pour longtemps, car les séditieuses propositions de Lépidus16 éclatèrent aussitôt, et la licence ne tarda pas à être rendue aux tribuns d’agiter le peuple au gré de leur caprice. Alors on ne se borna plus à ordonner pour tous ; on statua même contre un seul, et jamais les lois ne furent plus multipliées que quand l’État fut le plus corrompu.

16. Lépidus, père de celui qui fut triumvir avec Marc-Antoine et Octave, voulut, après la mort de Sylla, faire revivre le parti de Marius et abolir les lois du dictateur.

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Pompée, chargé dans son troisième consulat de réformer les mœurs, employa des remèdes plus dangereux que les maux ; et, premier infracteur des lois qu’il avait faites, il