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INTRODUCTION.

étaient le plus nombreuses, et en présence de l’empereur, qui présidait en qualité de consul. Pline parla près de cinq heures pour l’accusation, et Tacite répondit au plaidoyer du défenseur « avec une rare éloquence et avec cette gravité majestueuse qui était le caractère distinctif de son langage[1]. » L’accusé fut condamné à des peines qui, dans nos mœurs, paraissent légères pour l’énormité de ses crimes ; mais il fut ajouté au sénatus-consulte que Pline et Tacite s’étaient dignement acquittés de leur tâche.

Apres la Vie d’Agricola et les Mœurs des Germains, Tacite écrivit l’histoire romaine, depuis la mort de Néron, en 68, jusqu’à celle de Domitien, en 96 ; espace de vingt-huit ans, pendant lequel l’empire, déchiré par Galba, Othon, Vitellius, se reposa douze ans sous Vespasien et Titus, pour retomber pendant quinze longues années sous la tyrannie sanglante de Domitien. Le temps n’a épargné que les quatre premiers livres de ce grand ouvrage et le commencement du cinquième. On ignore combien il en contenait ; mais on peut mesurer l’étendue de la perte en songeant que ce qui subsiste n’embrasse qu’un an et quelques mois.

Les Annales, dans l’ordre de la composition, suivirent les Histoires, quoiqu’elles les précèdent par la date des faits. Elles renferment, en seize livres, l’espace de cinquante-quatre ans. compris entre la mort d’Auguste et celle de Néron. Les six premiers livres sont consacrés au règne de Tibère. Une lacune, qui s’étend sur plus de deux années, nous prive de la partie du cinquième où étaient racontées la conjuration et la mort de Séjan. Les quatre ans de Caligula manquent entièrement, et la narration recommence au onzième livre, à la septième année de Claude. Elle continue ensuite, sans interruption, jusqu’à la mort de Thraséas, qui précéda de deux ans la fin de Néron.

Plusieurs passages de ces livres prouvent que c’est Tacite qui le premier leur donna le titre d’Annales. Il y rapporte les événements selon l’ordre des années, comme il le dit lui-même ; et, s’il joint quelquefois dans un même récit des faits accomplis sous plusieurs consulats, il a soin d’en avertir, et il revient bientôt à la date qu’il avait dépassée.

Le titre des Histoires n’est pas non plus d’invention moderne, puisque Tertullien, réfutant la fable de la tête d’âne adorée par les Juifs, dit qu’elle se trouve dans le cinquième livre des Histoires de Cornélius Tacitus ; ce qui montre de plus que les deux ouvrages étaient bien distincts, et que quelques éditeurs ont eu tort de les réunir en un seul[2].

  1. Pline, Ép. II, x : « Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime, et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνώς. »
  2. Saint Jérôme, Comment. in cap. xiv Zachariæ, dit que Tacite a écrit les Vies des Césars en trente livres, depuis la mort d’Auguste jusqu’à celle de Domitien, Vitas Cæsarum triginta voluminibus exaravit ; et par conséquent il ne distingue pas les Annales des Histoires, Mais en accordant à ce passage toute l’autorité qu’il peut avoir, il n’en restera pas moins certain