Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/18

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Il nous reste une trop petite partie des Histoires pour qu’on puisse dire avec certitude si l’auteur y suivait le même ordre chronologique que dans les Annales. On serait fondé à le croire, puisque, la seule fois qu’il passe d’une année à une autre, il annonce l’ouverture du nouveau consulat, et commence ses récits aux kalendes de janvier. L’année à laquelle les consuls Galba et Vinius donnent leur nom occupe trois livres et presque la moitié du quatrième, tandis que chaque livre des Annales embrasse plusieurs consulats. Les faits sont donc racontés dans les Histoires avec beaucoup plus de détails, et cependant il n’est pas probable que toutes les parties de cette vaste composition fussent également développées. L’auteur n’a pas eu partout à retracer l’élévation et la chute de trois princes, l’avénement d’un quatrième, la guerre civile à l’Orient et à l’Occident, des batailles sanglantes en Italie, des combats jusque dans Rome, et. pendant ce temps, la Germanie en armes, les Gaules soulevées, et l’empire en danger de passer aux nations transalpines. Un critique[1] a comparé cette partie des Histoires à un poëme épique : et, en effet, elle en a la marche imposante, le majestueux ensemble, les épisodes variés ; et tous les faits y sont tellement enchaînés, qu’ils concourent à un but unique, la pacification du monde sous Vespasien, accomplie par la soumission de Civilis et la chute de Jérusalem. Le véritable poëte de cette grande épopée est sans doute la Providence, qui en a fourni les éléments et les a ramassés dans l’espace de moins de deux années ; mais avec quel génie l’historien a su les mettre en œuvre !

L’image des temps se déroule, dans la longue série des Annales, avec plus de simplicité, sans autre lien que l’ordre de leur succession. Voilà quelle est la différence la plus sensible entre ces deux ouvrages, et c’est probablement dans cette différence qu’il faut chercher la raison des titres qu’ils ont reçus[2]. Aulu-Gelle[3] en indique plusieurs autres ; par exemple, que l’histoire est le récit des événements contemporains, ce qui s’accorde assez bien avec l’étymologie grecque de ce mot[4], et convient aux temps que Tacite a décrits, puisqu’il sortait au moins de l’enfance à la mort de Néron.

    que Tacite a composé en des temps différents et en deux parties séparées ce que saint Jérôme appelle les Vies des Cesars. Seulement on pourrait conclure du témoignage de ce Père que les Histoires contenaient quatorze livres, puisque les Annales en renferment certainement seize. Mais quatorze livres ont-ils pu suffire à vingt-huit ans, lorsque quatre livres et plus n’embrassent pas un an et demi ? Je suis porté à croire avec M. Daunou que la numération des livres de Tacite n’était pas très-bien connue, ou que, dans les citations de ce genre, on ne se piquait pas d’une rigoureuse exactitude.

  1. Walther, préface, p. xiij.
  2. Voy. de Oratore, liv. II, ch. xii, un passage où Cicéron fait connaitre fort clairement quelle idée il attache aux mots Histoires et Annales.
  3. Nuits Attiques, V, xviii.
  4. “lsrop, témoin ; éaropix, récil des faits dont on a été le témoin.