Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/171

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plus intègres, quelques-uns sans les connaître et sur la foi de leur renommée. Son choix fait, il y était fidèle, même jusqu’à l’excès ; et la plupart vieillissaient dans leur emploi. Le peuple souffrait de la cherté des grains ; mais ce n’était pas la faute du prince. Tibère n’épargna même ni soins ni dépenses pour remédier à la stérilité de la terre et aux accidents de mer. Il veillait à ce que de nouvelles charges ne portassent point l’effroi dans les provinces, et il empêchait que les anciennes ne fussent aggravées par l’avarice ou la cruauté des magistrats : on ne parlait ni de punitions corporelles ni de confiscations.

L’irrésistible ascension de Séjan

Empoisonnement de Drusus

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Les domaines du prince en Italie étaient peu nombreux, ses esclaves retenus, sa maison bornée à quelques affranchis. Était-il en différend avec un particulier ? On allait au Forum, et la justice prononçait. Sans doute il lui manquait des manières affables, et son air repoussant n’inspirait guère que la terreur. Toutefois il retint ces sages maximes, jusqu’à ce qu’elles fussent renversées par la mort de Drusus ; car elles régnèrent tant que celui-ci vécut. Séjan voulait signaler par de bons conseils son pouvoir naissant. Il craignait aussi dans Drusus un vengeur qui ne déguisait pas sa haine et se plaignait souvent que, l’empereur ayant un fils, un autre fût appelé le compagnon de ses travaux. "Et à quoi tenait-il encore qu’il ne fût nommé son collègue ? Les premières espérances de l’ambition étaient d’un haut et difficile abord ; ce degré franchi, elle trouvait un parti, des ministres. Déjà un camp avait été construit au gré du préfet ; on avait mis des soldats dans ses mains ; son image brillait au milieu des monuments de Pompée7 ; le sang des Drusus allait communiquer sa noblesse aux petits-fils de Séjan. Il était temps après cela d’implorer sa modération, pour qu’il daignât se borner ! " Et ce n’était ni rarement, ni devant un petit nombre d’amis qu’il tenait ces discours. Ses paroles les plus secrètes étaient révélées d’ailleurs par son infidèle épouse.

7. Une statue de bronze avait été dédiée à Séjan dans le théâtre de Pompée.

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Séjan pensa donc qu’il fallait se hâter. Il choisit un poison dont l’action lente et insensible imitât les progrès d’une maladie naturelle. Il le fit donner à Drusus par l’eunuque Lygdus, comme on le reconnut huit ans après. Pendant la maladie de son fils, Tibère, sans inquiétude ou par ostentation de