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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/193

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dans la cité de Marseille, où ses études servirent de prétexte à un véritable exil. Cependant on honora ses funérailles, et sa cendre fut portée, par ordre du sénat, dans le tombeau des Octaves.

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Sous les mêmes consuls, un crime atroce fut commis dans l’Espagne citérieure, par un paysan termestin. Le gouverneur de la province, L. Piso, voyageait avec toute la sécurité de la paix. L’assassin l’attaque brusquement sur la route et le tue d’un seul coup ; puis, s’enfuyant d’une course rapide, il gagne les bois, quitte son cheval, et s’enfonce dans des lieux coupés et sans chemins, ou l’on perdit sa trace. Mais il ne put échapper longtemps. On s’empara du cheval ; et, en le conduisant dans les villages voisins, on apprit quel en était le maître. Celui-ci fut découvert et mis à la question : mais, au lieu de nommer ses complices, il s’écria de toutes ses forces, dans la langue du pays, qu’on l’interrogeait vainement ; que ses compagnons pouvaient accourir et regarder ; que jamais la douleur, si forte qu’elle fût n’arracherait la vérité de sa bouche. Le lendemain, comme on le ramenait à la torture, il s’échappa tout à coup des mains de ses gardiens, et se jeta la tête contre une pierre avec tant de violence, qu’il mourut à l’instant. On croit que le meurtre de Pison fut une vengeance concertée par les Termestins, parce qu’il poursuivait les détenteurs de deniers publics avec une rigueur que des barbares ne savent pas supporter.

Révolte chez les Thraces

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Sous les consuls Lentulus Gétulicus et G. Galvisius, les ornements du triomphe furent décernés à Poppéus Sabinus, pour avoir réduit des nations de la Thrace, que la vie sauvage des montagnes entretenait dans une farouche indépendance. Outre le caractère de ce peuple, la révolte eut pour cause sa répugnance à souffrir les levées de soldats et à donner à nos armées l’élite de sa jeunesse. Accoutumée à n’obéir même à ses rois que par caprice, à ne leur envoyer de troupes qu’avec des officiers de son choix, à ne faire la guerre que sur ses frontières, cette nation crut, sur des bruits alors répandus, qu’on allait l’arracher à ses foyers, la mêler à d’autres peuples et la disperser dans des contrées lointaines. Toutefois, avant de prendre les armes, ils envoyèrent des députés pour rappeler leur fidélité, leur soumission, et déclarer qu’ils resteraient les mêmes tant que de nouvelles charges ne tenteraient point leur patience ; mais que, si on leur imposait l’esclavage comme à des vaincus, ils avaient du fer, des guerriers, et ce