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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/195

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traits, enfin le danger personnel, attirant toute l’attention des nôtres, leur dérobassent le bruit de l’autre combat. Ils choisirent la nuit, pour augmenter la frayeur. Ceux qui attaquèrent le camp des légions furent aisément repoussés. La soudaine irruption des autres jeta l’effroi parmi les Thraces auxiliaires, dont une partie dormait le long des palissades, tandis qu’un plus grand nombre errait dans la campagne. Ils furent massacrés avec d’autant plus de fureur, qu’on les regardait comme des transfuges et des traîtres, qui se battaient pour leur esclavage et celui de la patrie.

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Le lendemain, Poppéus déploya son armée hors des retranchements, pour essayer si les barbares, animés par le succès de la nuit, hasarderaient une bataille. Voyant qu’ils ne quittaient point leur fort ou les hauteurs voisines, il en commença le siège en élevant de distance en distance de fortes redoutes, qu’il unit ensuite par un fossé et des lignes dont le circuit embrassait quatre mille pas. Peu à peu, pour ôter aux assiégés l’eau et le fourrage, il resserra son enceinte et les enferma plus étroitement. Quand on fut assez près, on construisit une terrasse d’où on lançait des pierres, des feux, des javelines. Mais rien ne fatiguait l’ennemi autant que la soif. Il ne restait qu’une seule fontaine pour une si grande multitude de combattants et de peuple. Les chevaux, les troupeaux, enfermés avec eux suivant la coutume des barbares, périssaient faute de nourriture. À côté de ces animaux gisaient les cadavres des hommes que les blessures ou la soif avaient tués. Tout était infecté par la corruption, l’odeur, le contact de la mort. À tant de calamités se joignit, pour dernier fléau, la discorde. Les uns parlaient de se rendre, les autres de mourir en se frappant mutuellement. Il s’en trouva qui, au lieu d’une mort sans vengeance, conseillèrent une sortie désespérée ; résolution noble aussi, quoique différente.

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Dinis, un des chefs, à qui son grand âge et sa longue expérience avaient appris à connaître la force et la clémence de Rome, soutenait l’avis de mettre bas les armes, comme le seul remède en de telles extrémités. Lui-même vint le premier, avec sa femme et ses enfants, se livrer au vainqueur. Il fut suivi de ceux que leur âge ou leur sexe condamne à la faiblesse, et de ceux qui aimaient la vie plus que la gloire. La jeunesse était partagée entre Tarse et Turésis. Tous deux voulaient périr avec la liberté ; mais Tarse s’écriait qu’il fallait hâter leur fin, et trancher d’un seul coup les craintes et les espé