Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/239

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est une ville puissante, environnée de murailles, et qui au milieu de la barbarie, a gardé l’esprit de son fondateur Séleucus. Trois cents citoyens, choisis d’après leur fortune ou leurs lumières, lui composent un sénat. Le peuple a sa part de pouvoir. Quand ces deux ordres sont unis, on ne craint rien du Parthe ; s’ils se divisent, chacun cherche de l’appui contre ses rivaux, et l’étranger, appelé au secours d’un parti, les asservit tous deux. C’est ce qui venait d’avoir lieu sous Artaban, dont la politique livra le peuple à la discrétion des grands ; il savait que le gouvernement populaire est voisin de la liberté, tandis que la domination du petit nombre ressemble davantage au despotisme d’un roi. A l’arrivée de Tiridate, on lui prodigua tous les honneurs dont jouirent les anciens monarques, avec ceux qu’y avait encore ajoutés l’adulation moderne ; et en même temps on maudissait le nom d’Artaban, qui, disait-on, "ne tenait que par sa mère à la famille d’Arsace, et n’était du reste qu’un rejeton bâtard." Tiridate remit le pouvoir aux mains du peuple. Ensuite, comme il délibérait sur le jour où il prendrait solennellement les marques de la royauté, il reçut de Phraate et d’Hiéron, gouverneurs des deux principales provinces, des lettres où ils le priaient de les attendre quelques jours. Il crut devoir cet égard à des hommes si puissants. Dans l’intervalle, il se rendit à Ctésiphon, siège de l’empire. Mais, comme ils demandaient chaque jour un nouveau délai, Suréna, suivant l’usage du pays, et aux acclamations d’un peuple immense, ceignit du bandeau royal le front de Tiridate.

   15. Séleucie était située sur la rive droite du Tigre, à quelques lieues au-dessous de la position actuelle de Bagdad. Sur la rive opposée du même fleuve, et pour contre-balancer la puissance de Séleucie, les Parthes bâtirent Ctésiphon.
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Si en ce moment il avait pénétré plus avant et s’était montré au reste des provinces, il s’emparait des volontés indécises, et tout se ralliait sous les mêmes étendards. En assiégeant un château où Artaban avait renfermé ses trésors et ses concubines, il laissa le temps d’oublier les promesses. Phraate, Hiéron, et tous ceux dont le concours avait manqué à la solennité du jour où il prit le diadème, redoutant sa colère, ou jaloux d’Abdagèse, qui gouvernait la cour et le nouveau roi, se tournèrent du côté d’Artaban. Ce prince fut trouvé en Hyrcanie, couvert de haillons, et n’ayant que son arc pour fournir à ses besoins. Il crut d’abord qu’on lui tendait un piège et conçut