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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/268

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mariage arrêté entre Claude et Agrippine avait déjà reçu la sanction de la publicité et d’un amour illicite. Toutefois ils n’osaient pas encore célébrer la cérémonie nuptiale, parce qu’il était sans exemple qu’une nièce fût devenue l’épouse de son oncle. On s’effrayait même de l’inceste, et on craignait, en bravant ce scrupule, d’attirer sur l’État quelque grand malheur. L’incertitude ne cessa que lorsque Vitellius eut pris sur lui de terminer l’affaire par un coup de son génie. Il demande à l’empereur s’il cédera aux ordres du peuple, à l’autorité du sénat ; et, sur sa réponse qu’un citoyen ne peut résister seul à la volonté de tous, il le prie d’attendre dans son palais. Lui-même se rend au sénat ; et, protestant qu’il s’agit des plus grands intérêts de la république, il obtient la permission de parler le premier. Aussitôt il expose "que les immenses travaux de César, travaux qui embrassent l’univers, lui rendent nécessaire un appui sur lequel il se repose des soins domestiques, pour veiller uniquement au bien général. Or, où l’âme d’un censeur trouverait-elle un délassement plus honnête que dans la société d’une épouse qui partage ses soucis et ses joies, à laquelle puisse ouvrir son cœur et confier ses jeunes enfants un prince qui n’a jamais connu les excès ni les plaisirs, mais qui, dès sa première jeunesse, s’est fait un devoir d’obéir aux lois ? "

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Après cet exorde insinuant, qui fut reçu par les sénateurs avec un applaudissement universel, Vitellius, reprenant la parole, ajouta "que, puisque toutes les voix conseillaient le mariage du prince, il fallait lui choisir une femme distinguée par sa noblesse, sa fécondité, sa vertu ; qu’Agrippine avait sans contredit une naissance supérieure à toute autre ; qu’elle avait donné des preuves de fécondité, et que ses vertus répondaient à ce double avantage. Mais c’était, selon lui, une faveur signalée des dieux qu’elle fût veuve1 : elle s’unirait libre à un prince qui n’avait jamais attenté aux droits d’un autre époux. Leurs pères avaient vu, ils avaient vu eux-mêmes des Césars enlever arbitrairement des femmes à leurs maris : combien cette violence était loin de la modération présente ! Il était bon de régler par un grand exemple comment le prince devait recevoir une épouse. L’union entre l’oncle et la nièce est, dira-t-on, nouvelle parmi nous. Mais elle est consacrée