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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/309

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renom de pouvoir qui n’est pas appuyé sur une force réelle. Le seuil d’Agrippine est aussitôt désert ; personne ne la console, personne ne la visite, si ce n’est quelques femmes qu’attire l’amitié, ou la haine peut-être. Parmi elles était Junia Silana, que Messaline avait chassée, comme je l’ai raconté plus haut, du lit de Silius. Silana, célèbre par sa naissance, sa beauté, la licence de ses mœurs, fut longtemps chérie d’Agrippine. De secrètes inimitiés avaient rompu leur intelligence, depuis qu’Agrippine, à force de répéter que c’était une femme dissolue et surannée, avait dégoûté de sa main un jeune noble, Sextius Africanus ; non sans doute en vue de se réserver Sextius pour elle-même, mais afin d’empêcher les biens de Silana, riche et sans enfants, de tomber au pouvoir d’un mari. Celle-ci crut tenir l’occasion de se venger : elle suscite parmi ses clients deux accusateurs, Iturius et Calvisius. Sans s’arrêter aux reproches tant de fois renouvelés de pleurer Britannicus, de divulguer les chagrins d’Octavie, ce qu’elle dénonce est plus grave : "Agrippine médite une révolution en faveur de Rubellius Plautus, descendant d’Auguste par les femmes au même degré que Néron ; ensuite, par le partage de son lit et de son trône, elle envahira de nouveau la puissance suprême." Iturius et Calvisius révèlent ces projets à un affranchi de Domitia, tante de Néron, nommé Atimétus. Joyeux de cette confidence (car il régnait entre Agrippine et Domitia une mortelle jalousie), Atimétus détermine un autre affranchi de Domina, l’histrion Paris, à courir chez le prince et à présenter la dénonciation sous les plus noires couleurs.

L’histion Paris dénonce le complot à Néron

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La nuit était avancée, et Néron prolongeait les heures de la débauche, quand Paris se présenta. C’était le moment où il avait coutume de venir chez le prince, afin d’animer ses plaisirs. L’air triste qu’il avait pris cette fois, et les complots dont il fit le détail, effrayèrent tellement Néron, que sa première idée fut de tuer sa mère et Plautus. Il voulait même ôter à Burrus le commandement du prétoire, sur le soupçon que, tenant tout d’Agrippine, il la payait de retour. Si l’on en croit Fabius Rusticus, un ordre fut écrit, qui transportait cette charge à Tuscus Cécina5 ; mais le crédit de Sénèque sauva cet affront à Burrus. Pline et Cluvius6 disent qu’il ne