Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/355

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le nombre, l’âge, le sexe de ces malheureux, et, pour la plupart, leur incontestable innocence. Le parti qui voulait le supplice prévalut cependant. Mais la multitude attroupée, et qui s’armait déjà de pierres et de torches, arrêtait l’exécution. Le prince réprimanda le peuple par un édit, et borda de troupes tout le chemin par où les condamnés furent conduits à la mort. Cingonius Varro avait proposé d’étendre la punition aux affranchis qui demeuraient sous le même toit, et de les déporter hors de l’Italie. Le prince s’y opposa, pour ne pas aggraver par de nouvelles rigueurs un usage ancien que la pitié n’avait pas adouci.

46

Sous les mêmes consuls, Tarquitius Priscus, accusé par les Bithyniens, fut condamné aux peines de la concussion ; à la grande joie des sénateurs, qui se souvenaient de l’avoir vu accuser lui-même son proconsul Statilius Taurus. Il y eut dans les Gaules un recensement des biens. Q. Volusius et Sextius Africanus, qui le firent avec Trébellius Maximus, étaient divisés par des prétentions de naissance. Pendant qu’ils se disputaient le premier rang, leurs communs dédains y placèrent Trébellius.

Mort de Memmius Régulus

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La même année, mourut Memmius Régulus, dont le crédit, le caractère, la renommée, eurent autant d’éclat qu’il est permis d’en avoir sous l’ombre du trône impérial. Un jour, Néron, malade et entouré de flatteurs qui lui disaient que c’en était fait de l’empire si le destin ne préservait ses jours, répondit qu’un appui restait à la république. On lui demanda lequel : "C’est, dit-il, Memmius Régulus." Régulus survécut cependant, protégé par le silence de sa vie : il n’était d’ailleurs ni d’une maison anciennement illustre, ni d’une opulence à tenter les envieux. Néron fit cette année la dédicace d’un gymnase, et, par une libéralité toute grecque, il fournit l’huile aux chevaliers et aux sénateurs.

An 62

A Rome

Lèse-majesté

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Sous le consulat de P. Marius et de L. Asinius, le préteur Antistius, qui, étant tribun du peuple, s’était signalé, comme je l’ai dit, par l’abus de son pouvoir, composa des vers injurieux pour le prince, et les lut devant de nombreux convives, à un souper chez Ostorius Scapula. Aussitôt il fut accusé de lèse-majesté par Cossutianus Capito, qui, à la prière de Tigelli, son beau-père, avait recouvré depuis peu le rang de sénateur. C’était la première fois que la loi de majesté fût remise en vigueur ; on croyait même que le but de ce procès était moins la perte de l’accusé que la gloire du prince, et que,