Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

odieux ; la plupart se confiaient en leur nombre ; Thraséas ne consultait que la fermeté de son âme et les intérêts de sa gloire.

17. Celui même qui fut empereur.

Une accusation du même genre causa la ruine de Fabricius Véiento. Il avait composé, sous le nom de Codicille, un livre rempli d’invectives contre les sénateurs et les prêtres. L’accusateur, Talius Géminus, lui reprochait encore d’avoir trafiqué des faveurs du prince, et vendu le droit de parvenir aux honneurs ; circonstance qui décida Néron à évoquer à lui cette affaire. Véiento fut convaincu et chassé d’Italie. L’ouvrage, condamné aux flammes, fut recherché et lu avidement, tant qu’il y eut péril à se le procurer ; dès que tout le monde put t’avoir, il tomba dans l’oubli.

Mort de Burrus

51

Cependant l’État perdait ses appuis à mesure que ses maux s’aggravaient. Burrus cessa de vivre ; par la maladie ou par le poison, c’est ce qu’on ne put savoir. Une enflure au dedans de la gorge, qui, s’accroissant peu à peu, lui ôta la vie avec la respiration, semblait annoncer une mort naturelle ; mais on assurait plus généralement qu’une main guidée par Néron lui avait, sous le nom de remède, humecté le palais de sucs meurtriers. Burrus, ajoute-t-on, s’aperçut de ce crime ; et, Néron étant venu le visiter, il détourna les yeux, et, pour toute réponse à ses questions, lui dit qu’il se trouvait bien. Cette grande perte excita des regrets, que nourrirent longtemps le souvenir des vertus de Burrus et le choix de ses successeurs, l’un d’une probité molle et nonchalante, l’autre ardent pour le crime et tout souillé d’adultères ; car le prince avait donné deux chefs aux cohortes prétoriennes, Fénius Rufus, désigné par la faveur populaire à cause de son désintéressement dans l’administration des vivres, et Sophonius Tigellinus, qui avait pour titres l’impureté de ses mœurs et une longue infamie. Leur destinée répondit à leur caractère : Tigellin fut tout-puissant sur l’esprit de Néron, et confident de ses débauches les plus secrètes ; Fénius, estimé du peuple et des soldats, en eut moins de droits aux bonnes grâces du maître.

Attaques contre Sénèque

52

La mort de Burrus brisa la puissance de Sénèque : le parti de la vertu était affaibli d’un de ses chefs, et Néron d’ailleurs penchait pour les méchants. Ceux-ci commencent l’attaque par mille imputations diverses. Selon eux, "Sénèque, dont les immenses richesses excédaient la mesure d’une condition privée, travaillait à s’enrichir encore ; il recherchait une ambitieuse popularité ; bientôt