Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/364

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sa vue est un muet reproche. Néron fait venir Anicet et lui rappelle son premier service : "lui seul avait sauvé la vie du prince des complots de sa mère ; le moment était venu de mériter une reconnaissance non moins grande, en le délivrant d’une épouse ennemie. Ni sa main ni son épée n’avaient rien à faire ; qu’il s’avouât seulement l’amant d’Octavie." Il lui promet des récompenses, secrètes d’abord, mais abondantes, des retraites délicieuses, ou, s’il nie, la mort. Cet homme, pervers par nature, et à qui ses premiers crimes rendaient les autres faciles, ment au delà de ce qu’on exigeait, et se reconnaît coupable devant plusieurs favoris, dont le prince avait formé une sorte de conseil. Relégué en Sardaigne, il y soutint, sans éprouver l’indigence, un exil que termina sa mort.

Exil d’Octavie

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Cependant Néron annonce par un édit, que, dans l’espoir de s’assurer de la flotte, Octavie en a séduit le commandant ; et, sans penser à la stérilité dont il l’accusait naguère, il ajoute que, honteuse de ses désordres, elle en a fait périr le fruit dans son sein. Il a, dit-il, acquis la preuve de ces crimes ; et il confine Octavie dans l’île de Pandataria. Jamais exilée ne tira plus de larmes des yeux témoins de son infortune. Quelques-uns se rappelaient encore Agrippine, bannie par Tibère ; la mémoire plus récente de Julie, chassée par Claude, remplissait toutes les âmes. Toutefois, l’une et l’autre avaient atteint la force de l’âge ; elles avaient vu quelques beaux jours, et le souvenir d’un passé plus heureux adoucissait les rigueurs de leur fortune présente. Mais Octavie, le jour de ses noces fut pour elle un jour funèbre : elle entrait dans une maison où elle ne devait trouver que sujets de deuil, un père, puis un frère, empoisonnés coup sur coup, une esclave plus puissante que sa maîtresse, Poppée ne remplaçant une épouse que pour la perdre, enfin une accusation plus affreuse que le trépas.

Mort d’Octavie

LXIV. Ainsi une faible femme, dans la vingtième année de son âge, entourée de centurions et de soldats, et déjà retranchée de la vie par le pressentiment de ses maux, ne se reposait pourtant pas encore dans la paix de la mort. Quelques jours s’écoulèrent, et elle reçut l’ordre de mourir. En vain elle s’écrie qu’elle n’est plus qu’une veuve, que la sœur du prince19 ;