Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/369

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La plupart, attribuant cette retraite aux craintes du roi et aux menaces de Corbulon, en parlaient avec enthousiasme. D’autres supposaient un accord secret par lequel, la guerre cessant des deux côtés, et Vologèse retirant ses troupes, Tigrane quitterait aussi l’Arménie. "Car pourquoi avoir rappelé l’armée romaine de Tigranocerte ? Pourquoi abandonner dans la paix ce qu’on avait défendu par la guerre ? Avait-on plus commodément passé l’hiver au fond de la Cappadoce, sous des huttes construites à la hâte, que dans la capitale d’un royaume qu’on venait de sauver ? Non, ce n’était qu’une trêve consentie par Vologèse pour avoir en tète un autre ennemi que Corbulon, par Corbulon pour ne plus exposer une gloire, ouvrage de tant d’années" J’ai dit en effet que ce général avait demandé pour l’Arménie un chef particulier, et l’on parlait de l’arrivée prochaine de Césennius Pétus. Il parut bientôt, et tes troupes furent ainsi divisées : la quatrième et la douzième légion, avec la cinquième, appelée récemment de Mésie, ainsi que les auxiliaires du Pont, de la Galatie et de la Cappadoce, obéirent à Pétun. La troisième, la sixième, la dixième et les anciens soldats de Syrie restèrent à Corbulon. Du reste, ils devaient, suivant les circonstances, unir ou partager leurs forces. Mais Corbulon ne souffrait pas de rival ; et Pétus, à qui l’honneur du second rang aurait dû suffire, rabaissait les exploits de ce chef. Il ne cessait de dire "qu’il n’avait ni tué d’ennemis ni enlevé de butin ; que les villes qu’il avait forcées se réduisaient à de vains noms ; qu’il saurait, lui, imposer aux vaincus des lois, des tributs, et, au lieu d’un fantôme de roi, la domination romaine."

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Vers le même temps, les ambassadeurs que Vologèse avait, comme je l’ai dit, envoyés vers le prince, revinrent sans avoir rien obtenu, et les Parthes commencèrent ouvertement la guerre. Pétus ne refusa pas le défi ; il prend avec lui deux légions, la quatrième, commandée alors par Funisulanus Vettonianus, la douzième, par Calavius Sabinus, et entre en Arménie sous de sinistres auspices. Au passage de l’Euphrate, qu’il traversait sur un pont, le cheval qui portait les ornements consulaires prit l’effroi sans cause apparente, et s’échappa en retournant sur ses pas. Pendant qu’on fortifiait un camp, une victime, debout près des travaux, rompit les palissades à moitié terminées et se sauva hors des retranchements.