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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/382

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La même année, le prince étendit aux nations des Alpes maritimes le droit du Latium13. Il assigna aux chevaliers romains des places dans le cirque, en avant de celles du peuple ; car jusqu’alors ces deux ordres y assistaient confondus, la loi Roscia n’ayant statué que sur les quatorze premiers rangs du théâtre. Enfin il donna des spectacles de gladiateurs aussi magnifiques que les précédents ; mais trop de sénateurs et de femmes distinguées se dégradèrent sur l’arène.

13. "Le droit de Latium dit Gibbon, était d’une espèce particulière : dans les villes qui jouissaient de cette faveur, les magistrats seulement prenaient, à l’expiration de leurs offices, la qualité de citoyen romain ; mais comme ils étaient annuels, les principales familles se trouvaient bientôt revêtues de cette dignité."

An 64

Néron fait du théâtre

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Sous le consulat de C. Lécanius et de M. Licinius, Néron était pressé d’un désir chaque jour plus ardent de monter sur les théâtres publics. Car jusqu’alors il n’avait chanté que dans son palais ou dans ses jardins, aux Juvénales, où les spectateurs étaient trop peu nombreux à son gré, et la scène trop étroite pour une voix si belle. N’osant toutefois faire ses débuts à Rome, il choisit Naples, en qualité de ville grecque : "là il préluderait, pour aller ensuite recueillir dans la Grèce ces brillantes couronnes que l’opinion des siècles a consacrées, et revenir avec une réputation qui enlèverait les applaudissements du peuple romain." Bientôt la population de Naples rassemblée en foule, les curieux qu’attira des villes voisines le bruit de cette nouveauté, les courtisans du prince, et ceux que leur service attachait à sa suite, enfin jusqu’à des compagnies de soldats, remplirent le théâtre.

Vatinius

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Il y arriva un événement, sinistre aux yeux de la plupart, mais où Néron vit une providence attentive et des dieux bienveillants : quand les spectateurs furent sortis, le théâtre s’écroula ; et, comme il était vide, personne ne fut blessé. Néron composa des chants pour remercier les dieux et retracer l’histoire de cette mémorable aventure. Dans le dessein de traverser la mer Adriatique, il s’arrêta, chemin faisant, à Bénévent, où Vatinius donnait un brillant spectacle de gladiateurs. Vatinius fut une des plus hideuses monstruosités de cette cour. Élevé dans une boutique de cordonnier, les difformités de son corps et la bouffonnerie de son esprit le firent appeler d’abord pour servir de risée : il se poussa par la calomnie et acquit, aux dépens des gens de bien, un crédit, une