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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/387

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demandait à l’art ce que refusait la nature, et se jouait capricieusement des ressources du prince. Ils lui avaient promis de creuser un canal navigable du lac Averne à l’embouchure du Tibre, le long d’un rivage aride ou sur un sol traversé de montagnes. On ne rencontrait d’eaux que celles des marais Pontins ; le reste du pays était sec ou escarpé dût-on venir à bout de vaincre les obstacles, le travail était excessif, l’utilité médiocre. Néron cependant voulait de l’incroyable : il essaya de percer les hauteurs voisines de l’Averne, et l’on voit encore des traces de son espérance déçue.

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Au reste, ce que l’habitation d’un homme laissa d’espace à la ville, ne fut pas, comme après l’incendie des Gaulois, rebâti au hasard et sans ordre. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices réduits à une juste hauteur. On ouvrit des cours, et l’on éleva des portiques devant la façade des bâtiments. Néron promit de construire ces portiques à ses frais, et de livrer aux propriétaires les terrains nettoyés, ajoutant, pour ceux qui auraient achevé leurs constructions dans un temps qu’il fixa, des récompenses proportionnés à leur rang et à leur fortune. Les marais d’Ostie furent destinés à recevoir les décombres ; on en chargeait, à leur retour vers la mer, les navires qui avaient remonté le Tibre avec du blé. Une partie déterminée de chaque édifice fut bâtie sans bois, mais seulement avec des pierres d’Albe ou de Gabie, qui sont à l’épreuve du feu. L’eau, que des particuliers détournaient à leur usage, fut rendue au public ; et des gardiens furent chargés de veiller à ce qu’elle coulât plus abondante et en plus de lieux divers : chacun fut obligé de tenir toujours prêt et sous la main ce qu’il faut pour arrêter le feu ; enfin les murs mitoyens furent interdits, et l’on voulut que chaque maison eût son enceinte séparée. Ces règlements contribuèrent à l’embellissement non moins qu’à l’utilité de la nouvelle ville. Quelques-uns crurent cependant que l’ancienne forme convenait mieux pour la salubrité, parce que, les rues étant étroites et les toits élevé, le soleil y dardait moins de feu, tandis que, maintenant, il embrase de toutes ses ardeurs ces vastes espaces que ne défend aucune ombre.

Les Chrétiens

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La prudence humaine avait ordonné tout ce qui dépend de ses conseils : on songea bientôt à fléchir les dieux, et l’on ouvrit les livres sibyllins. D’après ce qu’on y lut, des prières furent adressées à Vulcain, à Cérès et à Proserpine : des dames romaines implorèrent Junon, premièrement au Capitole,